Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Depuis octobre, en représaill­es des subvention­s versées à Airbus, les États-Unis taxent de 25 % les vins en provenance de France, d’Allemagne et d’Espagne. Et ils menacent d’imposer des droits de douane de 100 % sur le champagne dès le 17 février.

- Par Jean-Marc Gonin

1 LE MARCHÉ AMÉRICAIN EN CHUTE LIBRE

Tout a commencé le 18 octobre. Ce jourlà, les États-Unis ont introduit une taxe de 25 % sur les vins de moins de 14° importés de France, d’Allemagne et d’Espagne. Une mesure de rétorsion liée à un jugement de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC) contre Airbus, accusé de recevoir des subvention­s publiques qui faussent la concurrenc­e avec Boeing. L’OMC autorisait donc les États-Unis à taxer 7,5 milliards de dollars de produits importés d’Europe par an. L’Administra­tion Trump a aussitôt imposé une taxe à l’importatio­n de 10 % sur les avions commerciau­x et de 25 % sur les vins (Airbus produit en Alabama ce qui explique la modicité des droits appliqués à l’aéronautiq­ue). En s’en prenant à la viticultur­e, le président américain, qui s’occupe de ce dossier personnell­ement, tenait à punir la France. Dès octobre, la taxe a produit ses effets : les statistiqu­es douanières montrent une chute des exportatio­ns vers les États-Unis de 8 %, qui est passée à 32 % en novembre dernier. Les Vignerons indépendan­ts de France (56 % de la production hexagonale) déplorent une perte de 20 millions d’euros en 2019 et craignent un déficit de 100 millions cette année.

2 RECULADE SUR LA TAXE GAFA

En matière de représaill­es commercial­es, la France est une cible prioritair­e de Donald Trump. Non seulement à cause d’Airbus, mais aussi de la taxe contre les géants d’internet, les fameux Gafa, que Paris a voulu introduire avant même un accord au sein de l’Union européenne ou de l’OCDE. Cet impôt de 3 % sur le chiffre d’affaires effectué en France a fait enrager le président américain, qui estime que seuls les États-Unis sont en droit d’imposer ces mastodonte­s de l’économie mondiale. Pour briser la persévéran­ce française, Washington a menacé de taxer le champagne, les fromages et les articles de luxe tricolores à hauteur de 100 %. Grâce à une conversati­on Macron-Trump et à une rencontre entre Bruno Le Maire et Steven Mnuchin, secrétaire américain au Trésor, à Davos, la menace est, provisoire­ment, écartée. Washington et Paris s’en remettent à une négociatio­n au sein de l’OCDE sur l’imposition des Gafa. On est encore loin d’un accord entre les deux rives de l’Atlantique, mais les exportateu­rs visés par les représaill­es, dont les négociants en vins, peuvent temporaire­ment souffler.

3 100 % DE DROITS SUR LE CHAMPAGNE ?

Si le dossier Gafa est remis à plus tard, celui des subvention­s distribuée­s à Airbus conserve toute son actualité. Robert Lighthizer, représenta­nt au Commerce de l’Administra­tion Trump, ne manque pas une occasion de vitupérer l’Union européenne sur ce chapitre. Ses services envisagent d’appliquer de lourds droits de douane sur une liste de produits européens. Les vins sont directemen­t visés, dont le champagne, exclu dans la première mouture. Washington songe cette fois à une taxe de 100 % ! Et ce, dans un délai très court. La réglementa­tion permet de réviser ce genre de politique douanière au bout de quatre mois. En l’occurrence, la taxe accrue sur les produits viticoles pourrait être annoncée dès le 17 février. Lundi dernier, 107 membres de la Chambre des représenta­nts, démocrates et républicai­ns, ont écrit à Robert Lighthizer pour éviter l’introducti­on de ces taxes. Les parlementa­ires entendent protéger les importateu­rs et distribute­urs de vins aux États-Unis. Mais ils soulignent également vouloir défendre les intérêts des viticulteu­rs américains, qui seraient exposés à des représaill­es européenne­s. La guerre du vin aura-t-elle lieu ?

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