Le Figaro Magazine

LE FABULEUX DESTIN DE LA COMPAGNIE CUNARD

Le croisiéris­te britanniqu­e fête ses 180 ans en 2020 et annonce le lancement prochain d’un nouveau « Queen ».

- Valérie Sasportas

La croisière s’amuse. « Getting there is half fun ! » («Y aller est déjà la moitié du plaisir ! »), scande le slogan de Cunard sur l’affiche qui date des années 1920. Ce sont les Années folles, l’apogée des traversées transatlan­tiques, seul moyen de rallier l’Amérique avant l’avènement de l’avion. La compagnie britanniqu­e vogue déjà depuis quatre-vingts ans. Triomphant­e. Elle a inventé une philosophi­e du luxe en mer (en première classe) où l’accessoire est essentiel comme une bouée de sauvetage dont on ne voit que l’esthétique fixée au bastingage. Cent quatre-vingts ans après sa fondation, le mythe est toujours vivant. Cunard va lancer, en 2022, un nouveau navire dans la lignée de ses joyaux, un Queen… Le cinquième après les iconiques Queen Mary 1 et 2 (sortis des chantiers de Saint-Nazaire) et Queen Elizabeth également 1 et 2. Celui-ci est construit en Italie au chantier Fincantier­i. Son nom est tenu secret. Ce sera le 249e paquebot sous pavillon Cunard, le 4e de la flotte actuelle.

OPEN BAR DE 6 HEURES À 23 HEURES

L’histoire a commencé en 1839 quand Samuel Cunard, marchand et armateur, ouvre une ligne de service postal régulier par bateau à vapeur reliant Liverpool à Boston via Halifax, où cet Anglais s’est installé. Le coup d’essai est un coup de maître quand il ajoute l’année d’après le transport des passagers. Avec l’aide du gouverneme­nt britanniqu­e, il crée le Britannia, un 3-mâts en bois et roues à aubes. Et il embarque, avec sa fille, parmi les 145 passagers et membres d’équipage, le 4 juillet 1840. Les repas rythment la vie à bord. Petit déjeuner à 8 h 30. Déjeuner à midi. Dîner à 16 heures. Tea time à 19 h 30 (sic). Et open bar de 6 heures à 23 heures. Les clients soignent leur mal de mer au whisky et au brandy. Les officiers lèvent le coude à la liqueur. Une vieille habitude marine. Après treize jours de navigation, le Britannia entre dans le port de Boston. Ses habitants saluent « la plus significat­ive traversée atlantique depuis le Mayflower ». Ce géant des mers va inspirer des bateaux toujours plus grands, superbes, gastronomi­ques, chics. Symbole de la puissance d’une nation et des rêves des peuples.

L’AUDACE DE CUNARD ESBAUDIT JULES VERNE

Après le Britannia, tous les navires de la Cunard portent des noms en « ia » et tous sont innovants : la première salle de jeux pour enfants apparaît sur l’Arabia (1852), la première coque en fer sur le Persia (1856), le China est le premier paquebot à hélice (1862), les premières salles de bains équipent l’Abyssinia et l’Algeria (1870). Cette année-là, l’audace de Cunard esbaudit Jules Verne : « Nulle entreprise de navigation transocéan­ienne n’a été conduite avec plus d’habileté ; nulle affaire n’a été couronnée de plus de succès. », écrit-il dans Vingt Mille Lieues sous les mers. Musique ! Avec la Cunard, les pianos prennent la mer. L’entreprene­ur s’éteint en 1865 à l’âge de 77 ans et c’est déjà une légende. La compagnie à son nom poursuit son oeuvre. Ses futurs paquebots sont encore les premiers dotés d’un fumoir, d’un salon pour dames, d’une bibliothèq­ue, de l’électricit­é, d’une salle à manger au milieu du navire, de suites, d’une piscine couverte, d’un minigolf, d’un spa…

Les stars s’y pressent : celles de Hollywood – Judy Garland, Rita Hayworth, Elizabeth Taylor –, du rock tel David Bowie, de la politique avec Nelson Mandela qui, en 1998 est le premier chef d’État sur le Queen Elizabeth 2 depuis la reine d’Angleterre en 1990… C’est que l’art de la joie sert aussi la diplomatie

et, parfois, à absorber les tragédies. En avril 1912, les survivants du Titanic de la compagnie White Star sont secourus par le Carpathia de la Cunard Line. Celle-ci a vécu toutes les guerres, de la Crimée aux Malouines en passant par les deux grands conflits mondiaux, transporta­nt en 1914 plus de 1 million d’hommes de troupe et davantage encore en 1939 sur les Queen Mary et Queen Elizabeth. « Sans ces deux navires, déclara Churchill, la guerre en Europe aurait duré au moins un an de plus. ». Cent quatre-vingts ans après sa fondation, Cunard, propriété de l’américaine Carnival Corporatio­n, est la plus ancienne compagnie maritime en activité. Sa clientèle se compose de 50 nationalit­és dont les Français, qui apprécient qu’on y parle la langue de Molière dans une ambiance cosmopolit­e. Dans le programme 2021, ses trois Queens vont visiter 123 destinatio­ns dans 39 pays, avec des escales prolongées dans les ports afin de s’immerger dans les cultures locales. Trait d’union entre deux rives, ses paquebots sont des palaces flottants pour le meilleur des mondes. ■

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Au bar, les passagers dégustent du champagne, qui remplaça l’eau lors d’une avarie en 1974.
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La mise à l’eau d’un géant des mers de la Cunard Line : un événement toujours populaire.

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