“BIEN SÛR QU’ON A BESOIN DES RICHES”
Auteur de « Éloge de l’inégalité » (Manitoba, 2019), l’avocat fiscaliste Jean-Philippe Delsol * explique comment les plus fortunés contribuent au dynamisme de l’économie tout entière.
Le Figaro Magazine – À quoi servent les riches ?
Jean-Philippe Delsol – Une société sans riches serait morne et triste. L’inégalité des situations individuelles donne l’envie à chacun de se dépasser, pour s’enrichir à son tour ; c’est cela qui crée le dynamisme de la société tout entière. Ce phénomène est vertueux car les riches contribuent à l’enrichissement des autres par le biais de ce que l’on nomme l’effet de ruissellement. Certes, il faut faire la distinction entre les mauvais riches et les bons riches. Quand la richesse repose sur la corruption de l’État et que celle-ci a pour but d’obtenir des passe-droits pour développer des activités lucratives, seuls quelques individus s’enrichissent. C’est le cas des nouveaux riches chinois qui bâtissent d’immenses fortunes avec la bénédiction de l’État et du Parti communiste. Leur enrichissement n’a que peu d’effets sur le reste de la population.
Qui sont les « bons » riches, alors ?
La vraie bonne richesse se crée dans les sociétés de liberté, respectueuses de l’État de droit et favorisant l’initiative individuelle, en particulier celle des entrepreneurs. Prenez Xavier Niel. Comment s’est-il enrichi ? En vendant des forfaits téléphoniques Free deux fois moins cher que ceux de ses concurrents ! En même temps que lui, il a enrichi ses clients, puis ceux des autres opérateurs téléphoniques qui ont dû s’aligner sur les tarifs de Free pour survivre. Sans parler des milliers de salariés que Free a embauchés massivement pour se développer ! Un processus d’enrichissement global de la société s’est ainsi enclenché sur la base de l’initiative d’un individu qui a su innover et prendre des risques. C’est typiquement ce que l’on appelle le ruissellement.
Pourquoi les Français sont-ils si critiques à l’égard des plus fortunés ?
Le Français, individuellement ou collectivement, a tendance à être jaloux de l’autre, notamment lorsqu’il s’agit d’argent. Quel que soit son propre niveau de richesse, il ne peut s’empêcher d’envier celui qui est deux ou trois fois plus fortuné que lui. Dans la plupart des pays anglo-saxons, ce phénomène n’existe pas : les riches n’y sont pas jalousés, mais admirés. On ne s’y demande pas comment réduire la richesse de l’autre, mais comment l’obtenir pour soi-même…
À quoi tient cette passion française pour l’égalité ?
Le catholicisme, dans sa manière de prêcher l’égalité, est un peu responsable (les Évangiles, pourtant, accordent une grande importance aux talents personnels et à la liberté de chacun de les faire fructifier en vue d’en retirer une récompense, pour ne pas parler de profit…).
La centralisation du pouvoir, qui s’est d’ailleurs particulièrement développée dans les pays catholiques, a également sa part de responsabilité : elle a habitué les citoyens à définir leurs comportements en fonction des règles édictées par le pouvoir. Or, quand on espère tout de l’autorité de l’État, on attend en particulier que celui-ci traite tout le monde de manière égalitaire. C’est un frein puissant au dynamisme de la société et à la croissance économique. Le progrès n’est possible que si l’autorité, plutôt que de dicter son comportement à chacun lui permet d’assurer sa liberté de créer sa propre vie, donc éventuellement de la richesse. On en est loin en France où l’État-providence a habitué les gens à tendre la main plutôt qu’à mettre la main à la tâche ! ■ * Président de l’Iref (Institut de recherches économiques et fiscales).