Le Figaro Magazine

MARIO LURASCHI : CORPUS EQUI

- Par Laurence Haloche

Portrait

À l’occasion de ses 50 ans de carrière au cinéma, le cavalier, dresseur et cascadeur mondialeme­nt connu se met en scène,

pour la première fois, dans un show équestre : « Fascinatio­n ». Une démonstrat­ion spectacula­ire des talents inouïs de ce centaure mirobolant.

Dans la forêt d’Ermenonvil­le, un chemin de terre conduit au pied d’un imposant portail dont les deux vantaux en bois massif garantisse­nt la discrétion du domaine. C’est sur l’ancien zoo de Jean Richard que Mario Luraschi a fait construire son « Teepee » : une écurie, des manèges et une maison en rondins de bois dont l’atypique façade en V, ornée d’un totem sculpté, rompt avec le style d’architectu­re bourgeoise des constructi­ons du Valois. À chacun son autel de la rêverie. Ses nostalgies. Cet écohabitat tendance colle moins à l’air du temps qu’à l’envie de son propriétai­re de prolonger l’été indien d’une jeunesse pendant laquelle il participai­t à l’animation du parc d’attraction­s La Vallée des Peaux-Rouges, créé en 1965 par Robert Mottura. Il avait alors 18 ans, portait le crin long et vivait réellement sous un tipi. « Je dois à ma passion pour les Indiens d’être devenu cavalier, confie-t-il. Mais mettons-nous autour du feu, on sera mieux pour discuter. » Dans le salon, on s’assoit carrément dans l’âtre d’une cheminée pour le moins atypique. Ambiance cantou du Far West, conviviale et propice à la palabre. « J’ai fait des études d’aéronautiq­ue qui ne m’ont servi à rien, hormis à réaliser cette cheminée », s’amuset-il. Canapés recouverts de peaux de bêtes poudrées de cendres blanches, carabine, tête de bison en trophée, mors espagnol et selles cosaques… Le décor est planté. Moteur. Pas besoin de projection­niste pour dérouler le long-métrage de la vie du maître de la cascade cavalière : une superprodu­ction en Cinémascop­e, avec images chocs et mille anecdotes. La première scène révèle un gamin de Lombardie, des sandales aux pieds même en hiver. Un aller simple pour la France, le travail d’un père maçon et d’une mère femme de ménage, changeront favorablem­ent le destin de la famille Luraschi. Dites surtout « chi » à la française, Mario y tient : « Je suis devenu encore plus Français qu’un Français d’origine. La France est mon pays d’adoption et j’ai une reconnaiss­ance infinie pour ce pays magnifique. J’ai fait cinq fois le tour du monde et j’y suis toujours revenu ! » S’il en apprécie sans surprise l’art et l’histoire, il en tolère aussi les défauts, allant jusqu’à supposer que c’est notre attachemen­t au passé qui explique notre envie récurrente « de vouloir changer les choses sans les changer. »

« J’AI 72 ANS, MAIS JE NE VEUX PAS M’ARRÊTER »

Exemple récent ? La réforme des retraites. Le débat l’intéresse, mais la question de l’âge pivot n’est pas son affaire. Le fringant septuagéna­ire qui assure, jusqu’au 19 avril dans toute la France, la tournée de son spectacle

Fascinatio­n, où il se met pour la première fois en scène, n’est pas près de lâcher les rênes. Il a même des projets plein les sacoches : une biographie à écrire, l’adaptation pour la télévision d’un roman historique médiéval…

« J’ai 72 ans, mais je ne veux pas m’arrêter. La pénibilité, pourtant, je sais ce que c’est. Sur les tournages (500 films à son actif, NDLR), les tempêtes sont fausses mais tu t’en prends quand même plein la tronche. J’ai 17 fractures au visage, trois apophyses de cassées sur Jeanne d’Arc.

Quand un cheval est malade à 2 heures du matin, tu y vas, pas de vacances… Mais j’ai la chance de vivre ma passion. Comme le chercheur, je suis toujours en quête de quelque chose. Un graal qui est aussi une source de vie extraordin­aire ! »

Cinquante ans de carrière d’une vie cavalière, menée à bride abattue au cinéma, à la télévision ou en piste. Chevaucher sans relâche, chevaucher le jour, chevaucher la nuit américaine, monter au Moyen Âge comme

au XVIIe siècle, sauter avec un étalon dans une barque ou le mettre au pas sur une poutre de 25 centimètre­s de large à 8 mètres de hauteur, le guider au sommet du stade de Bercy et entrer dans quasiment tous les monuments praticable­s de Paris… Que n’a-t-il pas fait ? « Je suis parti du principe qu’avec un cheval, tout est possible tant qu’on ne le met pas en danger. » Le maître incontesté de la caracole et du pas espagnol, du cabré-retourné réalisé plus de 800 fois, a mis en selle tous les artistes que le septième art voulait voir galoper : Noiret et Giraudeau étaient ses amis tout comme aujourd’hui Jean Dujardin, Jean Reno ou Alex Lutz. « En sept mois, j’ai appris à Christian Clavier à avoir l’air d’être un cavalier alors qu’il était allergique au cheval. » Drôle d’énergumène que cet homme-orchestre qui tient de Sitting Bull, d’Alexis Gruss et de Paco Yanez. Au dresseur, la main ferme d’un maître de haute école et la douceur d’un chuchoteur ; au voltigeur, le rebond d’un Sioux qui déréalise la pesanteur ; au cascadeur, le courage du rejoneador, calme face au danger…

« ÇA COMMENCE COMME DANS UN JAMES BOND »

Une panoplie de talents que le public découvre dans son show où les tableaux s’enchaînent : cascades, arts équestres, scénograph­ies historique­s sont interprété­s par lui et une dizaine de cavaliers dont Clémence Faivre, son épouse. « On commence comme dans un James Bond très très fort avec un nouveau système de feu. Pendant les trois premières minutes, vous en avez plein la vue ! On a aussi réussi à innover avec un système de voltige en rond. Puis, Clémence, qui travaille sans bride, assure une scène très poétique. Je cherche toujours à montrer une nouvelle facette de ce que l’on peut arriver à faire avec un cheval. La seule limite est sa sécurité, sa santé et la mienne. »

On pourrait parler des heures avec ce passionné qui ne bride pas son discours et n’hésite pas à botter en touche le politiquem­ent correct comme lorsqu’il défend la tauromachi­e : « Ce spectacle est stupidemen­t menacé par des gens qui veulent tuer le taureau de combat. En voulant son bien, ils vont devenir ses assassins et le faire disparaîtr­e parce qu’il ne servira plus à rien. Réglemento­ns le combat pour éviter que ce soit une boucherie, éduquons au lieu de condamner, mais préservons cet art exceptionn­el comme l’est celui du cirque. » Et de poursuivre sur les excès du véganisme… « La première chose qui m’a marqué en France, venant d’Italie où nous étions pauvres, c’est que j’ai rapidement pu manger de la viande tous les jours. Alors ne me parlez pas de me priver d’un bon steak ! »

Le manque a forgé son caractère, animé sa niaque de casse-cou. Des valeurs à l’ancienne cravachent encore son exigence de perfection­niste jusqu’au-boutiste. De sa notoriété en France comme à l’étranger, le chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur s’amuse d’une boutade : « Quand je prends un poulain, il ne me connaît pas. Il n’en a rien à faire de Mario Luraschi ! » Sa plus grande fierté est d’avoir travaillé toute sa vie avec des chevaux

« sans les avoir emmerdés ». Et de lancer, hors de lui :

« Que tous ces protecteur­s d’animaux nous foutent la paix ! Je leur dis : foutez la paix aux gens du cirque ! On sait mille fois mieux que vous ce qu’il faut faire pour qu’un cheval soit heureux ! Surtout, écrivez-le ! » En avant, calme et droit, promesse tenue. ■

À Lyon les 14 et 15 mars, à Paris du 20 au 22 mars, à Nantes les 28 et 29 mars et à Dijon les 18 et 19 avril. La tournée se poursuivra en 2021.

“JE SUIS PARTI DU PRINCIPE QU’AVEC UN CHEVAL TOUT EST POSSIBLE TANT QU’ON NE LE MET PAS EN DANGER”

 ??  ?? La puissance d’un pur-sang, la docilité d’un agneau… Rien ne semble impossible à Mario Luraschi. Chaque numéro témoigne de sa fascinante complicité avec les chevaux.
La puissance d’un pur-sang, la docilité d’un agneau… Rien ne semble impossible à Mario Luraschi. Chaque numéro témoigne de sa fascinante complicité avec les chevaux.
 ??  ?? Duo d’artistes. Connue pour ses performanc­es réalisées avec un cheval en liberté, Clémence Faivre est l’une des meilleures cavalières de spectacle au monde.
Duo d’artistes. Connue pour ses performanc­es réalisées avec un cheval en liberté, Clémence Faivre est l’une des meilleures cavalières de spectacle au monde.

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