DITES-NOUS TOUT
Je crois au développement impersonnel, celui qui nous relie au cosmos et nous éloigne de l’ego
Hesna Cailliau
Fille d’une mère danoise protestante et d’un père turc musulman, Hesna Cailliau a grandi sur les rives du Bosphore avant d’épouser un Normand qui lui a donné deux enfants. Multidiplômée en psycho, socio, sciences politiques et en neurosciences, conférencière dans de prestigieuses universités, elle milite pour réhabiliter l’intuition et faire dialoguer l’Orient et l’Occident. Son dernier livre, Les Bâtisseurs du futur * est une déambulation perspicace, érudite et gracieuse dans le sens des choses.
Il y a cinq ans, votre livre,
« Le Paradoxe du poisson rouge », avait obtenu un grand succès et reçu le prix du livre optimiste. Qu’est-ce que cela avait changé à votre vie ?
Rien !
Êtes-vous confiante pour notre époque ?
Oui. Je vois les germes annonciateurs d’un monde meilleur : la prise de conscience écologique, la remise à l’honneur de la musique classique et l’intérêt retrouvé pour la sagesse des Anciens.
Quel est le sel de votre vie ?
La surprise, qui déclenche mon enthousiasme – mot dont l’étymologie signifie d’ailleurs « empli de Dieu ».
Croyez-vous au développement personnel ?
Je crois plutôt au développement impersonnel, celui qui nous relie au cosmos. Occupons-nous du « soi » bienveillant plutôt que de notre ego.
Comment s’exprime votre part orientale ?
J’ai une pensée poétique, analogique, en arborescence. Les Français cartésiens ont tendance à se couper de leur intuition, de leur part imaginaire. Or, l’intuition, c’est l’intelligence supérieure qui jaillit.
Un modèle d’intuition ?
Jésus. Il trouve toujours la troisième voix grâce à la puissance de son imaginaire. Nos livres de sagesse offrent toujours une troisième voix.
Vous dites que Descartes s’est trompé ?
Assurément. Au lieu de son cogito ergo sum, il serait plus juste selon moi de dire : « Je ne pense pas donc je suis. »
Une maxime ?
Mieux vaut connaître 10 choses et leur rapport que 10 000 choses éparses.
L’info en continu est pour vous…
…une promesse de noyade.
L’activité qui vous fait du bien ?
La natation, la contemplation de la mer, le yoga, toutes les activités qui désactivent mon mental. En chinois, le terme « Wu » qu’on traduit par « vide » veut aussi dire illumination.
Votre défaut ?
Je suis trop perfectionniste et toujours coupable.
Un apprentissage ?
J’ose davantage dire « non ». Ce qui est toujours libérateur.
Une qualité ?
L’ouverture du coeur et de l’esprit.
Quelle catégorie de personnes vous déroute ?
Celles qui sont enfermées dans leurs peurs et leurs certitudes.
Le plat de votre enfance…
L’aubergine cuite, en purée avec ce petit goût de brûlé, parfumé au paprika.
Ce dont vous êtes fière…
Je parviens aujourd’hui à faire des conférences devant 200 personnes, sans ego. Tandis que mon caractère naturel m’incite plutôt à disparaître. Dans ces moments, j’ai le sentiment d’être portée par une force qui me dépasse.
Comment diluez-vous la tristesse ?
Je danse seule dans mon salon. La joie revient.
Pour bâtir le futur, il faut…
…conjuguer les contraires ! Lenteur et rapidité, force et douceur, sensualité et spiritualité, action et contemplation. Il nous faut sortir du « ou », du rapport de force, et entrer dans le « et ». Au sommet, tout converge.
* Éditions Saint-Simon, 122 p., 16 €.