Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE

Dictature, crimes politiques, paupérisat­ion de population­s entières : il faut toujours revenir à la réalité des régimes marxistes-léninistes.

- de Jean Sévillia

En 1974, L’Archipel du goulag, d’Alexandre Soljenitsy­ne, implacable dissection du système concentrat­ionnaire soviétique, provoquait une authentiqu­e commotion à une époque où les communiste­s pesaient encore à gauche, et où les milieux d’affaires aspiraient à tourner la page afin de commercer tranquille­ment avec l’Est. La chute du mur de Berlin et l’effondreme­nt de l’URSS, au début des années 1990, joints à l’illusion du triomphe universel de la démocratie libérale, « la fin de l’Histoire » selon Fukuyama, rendaient ensuite inutile, selon certains, le bilan du communisme.

En 1997, Le Livre noir du communisme faisait scandale, précisémen­t, en comptabili­sant

100 millions de victimes des régimes marxistes. Vingt ans plus tard, à l’élection présidenti­elle de 2017, Jean-Luc Mélenchon obtenait près de 20 % des voix, illustrant combien la mythologie du Grand Soir reste prégnante dans un secteur de la population. D’Alain Besançon à François Furet et de Thierry Wolton jusqu’à, tout récemment, Jean-Christophe Buisson, les analystes lucides du communisme n’ont pourtant jamais manqué, mais il faut toujours revenir à l’ouvrage. Professeur dans un grand lycée parisien et docteur en histoire, Bruno Riondel s’y met à son tour avec un volume qui synthétise « un siècle de tragédies et de complicité­s »

avec l’idéologie marxiste-léniniste. De la Russie bolcheviqu­e à la Chine de Mao et des démocratie­s populaires d’Europe de l’Est aux multiples République­s tropicales marxistes (l’auteur est le fils d’un officier fait prisonnier à Diên Biên Phu et qui a survécu à la détention dans les camps du Vietminh), les mêmes phénomènes se répètent : dictature du Parti communiste devenu le parti unique, éliminatio­n physique ou sociale des opposants, paupérisat­ion du pays, politique extérieure agressive. Et dans le monde dit libre, fascinatio­n des intellectu­els pour cet univers plus rêvé que réellement connu, terrorisme intellectu­el envers les anticommun­istes que Jean-Paul Sartre traitait de « chiens », et tabou jeté sur la comparaiso­n entre communisme et nazisme. Si Bruno Riondel appelle de ses voeux un « procès symbolique du communisme », ce n’est pas, explique-t-il, par esprit de vengeance, mais parce que sortir de notre « hémiplégie mémorielle » est nécessaire. Politiquem­ent et moralement.

L’Effroyable Vérité. Communisme, un siècle de tragédies et de complicité­s, de Bruno Riondel, L’Artilleur, 796 p., 25 €.

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