Le Figaro Magazine

LES GLOBULES BLANCS À NOTRE SECOURS

Reprogramm­é avec des médicament­s spécifique­s, notre système immunitair­e acquiert la capacité de détruire certaines cellules cancéreuse­s avec une grande efficacité. Une piste récente, aussi prometteus­e que vaste à explorer.

- Pascal Grandmaiso­n

Et si notre système immunitair­e était capable d’éradiquer le cancer de la même manière qu’il traite le rhume ou la grippe ? Cette infection tant redoutée se retrouvera­it reléguée au rang de maladie des temps anciens, comme la tuberculos­e ou la syphilis. Le problème avec les cellules tumorales, c’est qu’elles possèdent le pouvoir de passer inaperçues aux yeux de notre système immunitair­e. Celui-ci comporte des garde-fous qui l’empêchent d’attaquer les tissus sains de notre organisme. Il identifie des protéines spécifique­s présentes dans l’ADN de nos cellules comme autant de laissez-passer. Or, les cellules malignes ont la capacité d’exprimer ces protéines afin de tromper sa vigilance. Résultat : c’est la proliférat­ion, sans que le corps ne se défende. Depuis de nombreuses années les chercheurs essayent d’activer le système immunitair­e. Ce n’est qu’à partir des années 2000 que l’on a commencé à appréhende­r son fonctionne­ment. Les premiers médicament­s d’immunothér­apie moderne ont été mis sur le marché il y a quatre à cinq ans seulement ! La plupart d’entre eux ciblent les protéines PD-1 ou PD-L1, présentes sur certaines tumeurs, qui inactivent le système immunitair­e. On injecte alors des anticorps qui vont masquer ces dernières et permettre le développem­ent d’une réponse immunitair­e antitumora­le.

« Ce sont actuelleme­nt les médicament­s d’immunothér­apie les plus aboutis que l’on connaisse, révèle Florence Dalenc, oncologue chargée des cancers du sein à l’Institut universita­ire du cancer de Toulouse. Ils s’avèrent particuliè­rement efficaces pour les mélanomes, qui affichaien­t des pronostics redoutable­s, ou encore certains cancers pulmonaire­s, et ce de façon remarquabl­ement durable. En revanche, prescrits seuls, leur efficacité ne dépasse pas 20 % pour les cancers du sein ». À cause de la jeunesse de cette technique, les spécialist­es manquent de recul pour déterminer son véritable impact sur l’histoire des cancers. Mais les espoirs les plus fous sont possibles : et si elle était capable de guérir ? Malheureus­ement, à l’instar de la chimiothér­apie, ces bénéfices spectacula­ires peuvent s’accompagne­r d’une cohorte d’effets secondaire­s désagréabl­es (dysfonctio­nnement de la thyroïde, toux, diarrhée, problèmes de peau…) qu’il faut apprendre à gérer. En réactivant le système immunitair­e, on s’expose fatalement au risque de voir apparaître des maladies auto-immunes. Pas de règle cependant en la matière. La tolérance s’avère très différente d’un patient à l’autre.

Le nombre de pistes à explorer, et donc de raisons d’espérer, apparaît presque illimité. Les médecins essaient de combiner l’immunothér­apie aux autres approches thérapeuti­ques (chimiothér­apie, radiothéra­pie, thérapies ciblées…) dans le but de créer des synergies. En parallèle, les chercheurs s’attachent à mieux comprendre la biologie des cellules tumorales ainsi que leur environnem­ent, là où résident les cellules immunitair­es, afin d’améliorer les stratégies de traitement. Fin janvier, des chercheurs de l’université de Cardiff, au pays de Galles, ont isolé un nouveau type de lymphocyte T (une catégorie de globules blancs) porteur d’un récepteur encore jamais identifié. D’après des études en laboratoir­e sur des souris, il permettrai­t de détecter et de tuer des cellules issues de cancers des poumons, du sein, du colon, de la prostate ou des reins… Reste à tester cette découverte sur des patients humains, peut-être d’ici à la fin de l’année. Si les attentes se confirment, nous verrions apparaître un nouveau type de médicament universel, capable d’éradiquer une grande partie des cancers. Si ça ne s’appelle pas de l’espoir !

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