LES GLOBULES BLANCS À NOTRE SECOURS
Reprogrammé avec des médicaments spécifiques, notre système immunitaire acquiert la capacité de détruire certaines cellules cancéreuses avec une grande efficacité. Une piste récente, aussi prometteuse que vaste à explorer.
Et si notre système immunitaire était capable d’éradiquer le cancer de la même manière qu’il traite le rhume ou la grippe ? Cette infection tant redoutée se retrouverait reléguée au rang de maladie des temps anciens, comme la tuberculose ou la syphilis. Le problème avec les cellules tumorales, c’est qu’elles possèdent le pouvoir de passer inaperçues aux yeux de notre système immunitaire. Celui-ci comporte des garde-fous qui l’empêchent d’attaquer les tissus sains de notre organisme. Il identifie des protéines spécifiques présentes dans l’ADN de nos cellules comme autant de laissez-passer. Or, les cellules malignes ont la capacité d’exprimer ces protéines afin de tromper sa vigilance. Résultat : c’est la prolifération, sans que le corps ne se défende. Depuis de nombreuses années les chercheurs essayent d’activer le système immunitaire. Ce n’est qu’à partir des années 2000 que l’on a commencé à appréhender son fonctionnement. Les premiers médicaments d’immunothérapie moderne ont été mis sur le marché il y a quatre à cinq ans seulement ! La plupart d’entre eux ciblent les protéines PD-1 ou PD-L1, présentes sur certaines tumeurs, qui inactivent le système immunitaire. On injecte alors des anticorps qui vont masquer ces dernières et permettre le développement d’une réponse immunitaire antitumorale.
« Ce sont actuellement les médicaments d’immunothérapie les plus aboutis que l’on connaisse, révèle Florence Dalenc, oncologue chargée des cancers du sein à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse. Ils s’avèrent particulièrement efficaces pour les mélanomes, qui affichaient des pronostics redoutables, ou encore certains cancers pulmonaires, et ce de façon remarquablement durable. En revanche, prescrits seuls, leur efficacité ne dépasse pas 20 % pour les cancers du sein ». À cause de la jeunesse de cette technique, les spécialistes manquent de recul pour déterminer son véritable impact sur l’histoire des cancers. Mais les espoirs les plus fous sont possibles : et si elle était capable de guérir ? Malheureusement, à l’instar de la chimiothérapie, ces bénéfices spectaculaires peuvent s’accompagner d’une cohorte d’effets secondaires désagréables (dysfonctionnement de la thyroïde, toux, diarrhée, problèmes de peau…) qu’il faut apprendre à gérer. En réactivant le système immunitaire, on s’expose fatalement au risque de voir apparaître des maladies auto-immunes. Pas de règle cependant en la matière. La tolérance s’avère très différente d’un patient à l’autre.
Le nombre de pistes à explorer, et donc de raisons d’espérer, apparaît presque illimité. Les médecins essaient de combiner l’immunothérapie aux autres approches thérapeutiques (chimiothérapie, radiothérapie, thérapies ciblées…) dans le but de créer des synergies. En parallèle, les chercheurs s’attachent à mieux comprendre la biologie des cellules tumorales ainsi que leur environnement, là où résident les cellules immunitaires, afin d’améliorer les stratégies de traitement. Fin janvier, des chercheurs de l’université de Cardiff, au pays de Galles, ont isolé un nouveau type de lymphocyte T (une catégorie de globules blancs) porteur d’un récepteur encore jamais identifié. D’après des études en laboratoire sur des souris, il permettrait de détecter et de tuer des cellules issues de cancers des poumons, du sein, du colon, de la prostate ou des reins… Reste à tester cette découverte sur des patients humains, peut-être d’ici à la fin de l’année. Si les attentes se confirment, nous verrions apparaître un nouveau type de médicament universel, capable d’éradiquer une grande partie des cancers. Si ça ne s’appelle pas de l’espoir !