ALERTE ENLÈVEMENT DANS L’ITALIE DE GARIBALDI
★★★ L’INCROYABLE DESTIN D’EDGARDO MORTARA, de David I. Kertzer, Cherche Midi, 378 p., 22 €.
Bologne, deuxième ville des États pontificaux, le 23 juin 1858. Le maréchal des carabinieri du pape frappe chez Marianna et Momolo Mortara : sur ordre de l’inquisiteur local, il vient chercher Edgardo, leur fils cadet âgé de 6 ans, qui a été baptisé à leur insu par une servante catholique.
Or, « le baptême étant considéré comme une pratique instituée par Jésus lui-même, ses effets sont instantanés et irréversibles », Edgardo est donc chrétien et ne peut pas être élevé par des Juifs.
Révolté, Momolo demande audience à l’inquisiteur, se rend à Rome où l’enfant a été emmené et recherche celle qui a administré le baptême. En Italie, la communauté juive n’est pas la seule à se mobiliser pour la libération d’Edgardo et l’affaire prend une dimension politique : le comte de Cavour, premier ministre du gouvernement du royaume de Sardaigne s’appuie dessus pour son projet d’unification du pays et Garibaldi l’utilise pour revendiquer l’instauration d’un État laïque. L’impact devient même international : aux États-Unis, la population soutient la famille contre le
Vatican ; en Angleterre, les Rothschild font feu de tout bois ; Napoléon III et François-Joseph d’Autriche, eux, écrivent à Pie IX. Qui, loin de céder, adopte Edgardo et le renomme Pio Edgardo !
Tragédie humaine, l’affaire Mortara fut également l’un des épisodes les plus significatifs de l’unification italienne. Aussi haletante que documentée, cette enquête se lit comme un thriller. Spielberg ne s’y est pas trompé : son film relatant l’affaire est prévu sur les écrans en 2021.