LE PIÉTON DE NEW YORK
★★★ ARRÊTEZ DE ME CASSER LES OREILLES et OLD M. FLOOD, de Joseph Mitchell, Éditions du sous-sol, 279 p. et 127 p., 22 € et 16 €. Traduits de l’anglais (États-Unis) par Lazare Bitoun.
Journaliste légendaire du Herald Tribune puis du très prestigieux
New Yorker, Joseph Mitchell avait une spécialité hors du commun : il arpentait les rues et les quais de New York, faisait des rencontres, et les racontait dans de longs reportages au style divin. C’est ainsi qu’il écrivit son chef-d’oeuvre, Le Secret de Joe
Gould, mais ses autres récits sont tout aussi remarquables. Deux volumes paraissent aujourd’hui : le premier, Arrêtez
de me casser les oreilles, publié en 1938, est une galerie de personnages étonnants – adeptes du vaudou, stripteaseuses,
joueurs de basket dans les rues de Harlem, ou encore Florence Cubitt, « élue reine des Nudistes lors de la Foire-Exposition internationale de la côte Pacifique qui s’est tenue à San Diego en 1936 », qui le reçoit uniquement vêtue d’un cache-sexe. Le second,
Old M. Flood est un long reportage de 1944 consacré à un certain Hugh G. Flood, qui, alors qu’il avait 93 ans, espérait en vivre vingt-deux de plus grâce à un régime bien particulier : M. Flood, se nourrissait exclusivement de fruits de mer – et d’huîtres en particulier – achetés au marché aux poissons de Fulton Street.
Se déclarant
« fruitdemerien », Flood avait un sacré caractère que Mitchell décrit ici avec autant d’humour que de tendresse. Styliste d’exception, psychologue affûté, le journaliste avait grandi dans une ferme avant de devenir l’idole de centaines de milliers de lecteurs. Un jour, il s’est retrouvé incapable d’écrire une ligne de plus, mais n’a jamais cessé de se rendre à son bureau du New Yorker. Son oeuvre est fascinante : à côté de lui, Tom Wolfe passe pour Léon Zitrone.