Le Figaro Magazine

LA MAISON DE BALZAC REVISITÉE

- V. P.

Située au coeur de l’ancien village de Passy, c’est une maison blanche adossée à la colline. Et longtemps une cachette pour Balzac, criblé de dettes et traqué par ses créanciers, qui s’y installe en octobre 1840. Ouvrant d’un côté sur la rue Raynouard, l’abri débouchait sur un pavillon donnant sur la rue Berton par lequel l’écrivain pouvait fuir les huissiers. Par prudence, il avait fait établir le contrat de location au nom de Monsieur de Breugnol.

C’est là qu’il écrit, sans relâche, de minuit à 8 heures du matin, drapé dans une longue robe de chambre. Dans son ancien cabinet de travail, heureuseme­nt préservé, se dresse toujours la petite table où, tout en poursuivan­t la rédaction de son oeuvre (Splendeurs et misères des courtisane­s, La Cousine Bette, Le cousin Pons), il corrigea l’ensemble de La Comédie humaine. « Cette table, écrit-il à Madame Hanska, a vu toutes mes misères, connu tous mes projets, entendu toutes mes pensées, mon bras l’a presque usée à force de s’y promener quand j’écris. » À sa gauche, l’auteur a posé un tas de feuilles d’un papier blanc crème, soigneusem­ent choisi pour que la plume y court facilement ; l’encrier est toujours celui qu’il avait quand il était étudiant. Sa cafetière est là aussi, blanche ornée d’un liseré rouge, où Balzac prépare sa décoction, un mélange de trois variétés originaire­s de l’île Bourbon, de la Martinique et de Moka au Yémen, dont il buvait jusqu’à 50 tasses par jour.

Devenue musée, la maison de Balzac n’a rien perdu de son intimité. On reconnaît le fameux daguerréot­ype où le romancier pose, une main sur la poitrine dans l’échancrure de la chemise largement ouverte ; sa canne au pommeau incrusté de turquoises qui ne passait pas inaperçue dans les salons au point d’inspirer à Delphine de Girardin La canne de M. de Balzac ; ses portraits par David d’Angers ou Rodin sont là aussi. Et un grand nombre d’illustrati­ons originales et de manuscrits. On reste stupéfait devant des exemplaire­s d’épreuves corrigées : deux fois, trois fois, dix fois s’il le faut. Balzac ajoute, révise, sabre, modifie, rature. Les typographe­s, épuisés, ne pouvaient y consacrer plus d’une heure d’affilée. On découvre enfin de magnifique­s gravures qui évoquent quelques-unes des 2 500 créatures de La Comédie humaine, une époque, un siècle, un univers.

47, rue Raynouard, Paris 16e. Actuelleme­nt : « La Comédie humaine d’Eduardo Arroyo », jusqu’au 16 août 2020.

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