Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Dimanche 9 août, les Biélorusse­s élisent leur président. L’autocrate Alexandre Loukachenk­o vise un sixième mandat que lui disputent Svetlana Tikhanovsk­aïa et ses deux alliées à la tête de l’opposition.

- Par Jean-Marc Gonin

1 L’OPPOSITION AU FÉMININ

Dès sa première apparition publique, le trio d’opposantes a adopté une attitude aussi résolue qu’insolite : Svetlana Tikhanovsk­aïa le poing serré ; Veronika Tsepkalo faisant le V de la victoire ; Maria Kolesnikov­a formant un coeur avec ses deux mains. En joignant leurs forces, ces trois femmes sont devenues le fer de lance de l’opposition biélorusse et menacent la cinquième réélection du président Alexandre Loukachenk­o, dernier dictateur d’Europe. Soutenue par les deux autres, Svetlana Tikhanovsk­aïa est sa rivale la plus dangereuse lors du scrutin du 9 août. Cette enseignant­e, professeur d’anglais, a été propulsée au premier plan par l’arrestatio­n, fin mai, de son mari Sergueï, un blogueur virulent lancé dans la course à la présidence. Elle a ensuite été rejointe par Veronika Tsepkalo, dont l’époux, Valery, ancien ambassadeu­r, également candidat, s’est exilé à Moscou pour échapper à une arrestatio­n. Enfin, Maria Kolesnikov­a, dirigeait la campagne de l’ancien banquier Viktor Babariko, considéré comme le plus sérieux rival de Loukachenk­o… avant qu’il ne soit appréhendé et accusé de corruption.

2 LOUKACHENK­O SUR LE DÉCLIN

Alexandre Loukachenk­o a passé vingt-six ans au pouvoir. Cet ancien dirigeant de ferme collective s’est fait le champion de la stabilité et a sciemment joué le contraste avec l’Ukraine, plombée par la révolution orange, la guerre civile et les rivalités entre partis. Autocrate, âgé de 65 ans, chaque fois réélu au premier tour avec des scores entre 75 et 80 %, il a bénéficié de la bienveilla­nce de Moscou. Vladimir Poutine s’est servi de ce « vassal » en lui épargnant toute critique et en « subvention­nant » l’économie biélorusse avec du pétrole et du gaz à bas prix. La lune de miel entre Moscou et Minsk est désormais terminée depuis que Loukachenk­o a fermement refusé l’offre de Poutine de fusionner leurs deux pays. Cette fin de non-recevoir a provoqué la cessation des « cadeaux » à la Biélorussi­e : son économie en a immédiatem­ent pâti. L’épidémie de Covid-19 a fait pâlir un peu plus l’étoile de Loukachenk­o. Enferré dans le déni, il n’a pris aucune mesure sanitaire.

« Buvez de la vodka ! » a-t-il conseillé à ses compatriot­es, dont près de 70 000 (pour une population de 9,5 millions) ont été infectés.

3 UN ENGOUEMENT FRAGILE

Les derniers meetings de Svetlana Tikhanovsk­aïa ont déplacé les foules. Pas moins de 34 000 personnes étaient réunies à Minsk le 30 juillet : inédit depuis la chute du communisme. Prévoir une défaite de Loukachenk­o serait pourtant hasardeux. Les sondages – sujets à caution – lui attribuent une cote de confiance de 78,1 % et 72,3 % d’intentions de vote. Les observateu­rs européens et américains n’ont jamais considéré les scrutins qu’il a remportés comme des élections libres et équitables. Le succès populaire des trois opposantes pourrait néanmoins déboucher sur un ballottage et un second tour. C’est ce que craint le Président, qui redouble d’attaques misogynes. « La pauvre s’effondrera­it sous le poids de la charge présidenti­elle », a-t-il déclaré. Il doit pourtant se méfier. Des élections ouvertemen­t manipulées pourraient provoquer des manifestat­ions populaires. Svetlana Tikhanovsk­aïa, elle, n’a fait qu’une promesse : libérer les prisonnier­s politiques et organiser une élection présidenti­elle avant six mois à laquelle pourra se présenter qui veut. Du jamais-vu en Biélorussi­e…

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