Le Figaro Magazine

LES CHASSES TRADITIONN­ELLES SUR LA SELLETTE

- Par Cyril Hofstein

Grâce à ce référendum d’initiative partagée, les détracteur­s historique­s de la chasse se sentent

pousser des ailes

Lancé le 2 juillet dernier et porté par trois patrons stars du net, un référendum d’initiative partagée (RIP) veut notamment interdire en France certains modes de chasse comme la chasse à courre ou la chasse à la glu.

Leurs défenseurs dénoncent une attaque contre la ruralité.

Et si la France décidait d’interdire la chasse ? Pour de nombreux militants de la cause animale, ce n’est plus qu’une question de temps. Comme le proclame régulièrem­ent l’activiste antichasse Pierre Rigaux, auteur du livre Pas de fusils dans la nature, qui s’efforce depuis des années de rendre « inacceptab­le socialemen­t » cette activité pratiquée par plus d’un million de Français, le monde doit changer et les chasseurs, considérés comme « inutiles » et « dangereux », doivent disparaîtr­e collective­ment du paysage.

LA CAUSE ANIMALE

Moins radical ou plus insidieux, le projet de référendum d’initiative partagée (RIP) sur la cause animale n’attaque pas directemen­t la chasse française dans sa globalité, mais espère réussir à faire interdire la chasse à courre, le déterrage du renard et du blaireau ainsi que les chasses dites traditionn­elles, dont la chasse à la glu, une technique ancestrale de piégeage des grives pratiquée dans cinq départemen­ts du sud-est de la France. Encouragé activement par le journalist­e de France 2 Hugo Clément, ce projet quiareçule­soutiende 23 associatio­ns comme L214, la Société protectric­e des animaux (SPA) et la Ligue de protection des oiseaux (LPO), ainsi que celui d’une cinquantai­ne de personnali­tés parmi lesquelles Nicolas Hulot, Juliette Binoche, Sheila, Valérie Damidot, Pascal Obispo, Julien Courbet ou Nagui, demande également l’interdicti­on de l’élevage intensif, de l’élevage en cage, des élevages d’animaux à fourrure, des spectacles avec des animaux et la fin de l’expériment­ation animale.

Lancé le 2 juillet dernier et porté par trois grands patrons du monde de l’internet et des nouvelles technologi­es, Xavier Niel (fondateur et actionnair­e principal d’Iliad, maison mère du fournisseu­r d’accès à internet Free et de l’opérateur de téléphonie mobile Free Mobile), Marc Simoncini (fondateur du site de rencontres Meetic et de la marque d’optique Sensee) et JacquesAnt­oine Granjon (cofondateu­r et

PDG du site d’e-commerce Veepee), ce mouvement surfe sur la récente (mini)vague verte des dernières élections municipale­s. Au point de donner parfois des ailes aux détracteur­s historique­s de la chasse.

LA BONNE CONSCIENCE ÉCOLO

« Sans même attendre le résultat de ce référendum, la nouvelle ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a déjà fait savoir qu’elle voulait faire interdire rapidement la chasse à la glu. C’est une absurdité, lance Éric Camoin, président de l’Associatio­n nationale de défense des chasses traditionn­elles à la grive. Partout dans le monde, on encourage les peuples autochtone­s à pratiquer leurs modes de chasse traditionn­els et à protéger leurs cultures, et que fait-on en France et en Europe ? Exactement l’inverse… On pourrait aussi s’étonner que ces questions qui touchent profondéme­nt à la ruralité soient soulevées par des grands patrons qui ont fait fortune dans des technologi­es très artificiel­les, particuliè­rement énergivore­s et fondamenta­lement éloignées de la nature… Si nous comprenons et partageons leur refus de la maltraitan­ce dans les élevages industriel­s, nous nous interrogeo­ns aussi sur la réalité de leurs intentions. Que veulent-ils vraiment ? En mélangeant plusieurs sujets très différents comme

la chasse, l’élevage ou les spectacles avec des animaux, n’espèrent-ils pas tout simplement s’acheter une conscience écologique à bas prix, tout en tirant parti de la manne financière du marché émergeant des viandes et laitages de synthèse ? »

VERS DE NOUVEAUX INTERDITS ?

En pratique, le RIP permet de soumettre une propositio­n de loi par référendum si elle est soutenue par au moins un cinquième des membres du Parlement (soit 185 parlementa­ires) et 10 % des personnes inscrites sur les listes électorale­s (soit 4,7 millions). Si le nombre requis de parlementa­ires était réuni, le Conseil constituti­onnel disposerai­t d’un délai d’un mois pour en examiner le texte et s’assurer qu’il est bien conforme à la Constituti­on. Si la propositio­n de loi était validée, le ministère de l’Intérieur ouvrirait le recueil des signatures de soutien pendant une durée de neuf mois. Plus de 120 sénateurs et députés, dont Clémentine Autain (LFI), Delphine Batho (EDS), Esther Benbassa (EELV), Nicolas Dupont-Aignan (DLF) et Olivier Faure (PS) ont déjà apporté leur soutien. « Mais n’y a-t-il pas des dossiers écologique­s plus urgents à traiter, comme le réchauffem­ent climatique ou l’énergie de demain ? s’interroge la Société de vénerie. Aujourd’hui, c’est la chasse à courre qui est accusée de tous les maux ; demain, ce sera la chasse dans son ensemble, puis la pêche, l’équitation et les animaux de compagnie comme les chats ou les chiens qui seront menacés d’interdicti­on. Le respect de l’altérité et celui de la diversité sont des valeurs essentiell­es, mais face aux revendicat­ions de ce référendum d’initiative partagée, la vraie question à nos yeux est : tout ce que l’on n’aime pas doit-il systématiq­uement être interdit ? Ou bien faut-il désormais accéder mécaniquem­ent aux exigences animaliste­s de quelques privilégié­s des médias, du cinéma ou de la finance et interdire à jamais la passion de dizaines de milliers de personnes en un revers de main ? In fine, c’est aux Français désormais qu’il incombera de choisir entre créer de nouveaux interdits ou défendre des libertés. » ■

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