Le Figaro Magazine

“NOUS VIVONS LA NATURE DE L’INTÉRIEUR”

À l’heure où des chasses traditionn­elles sont stigmatisé­es, le président de la Fédération nationale des chasseurs explique dans un livre ses engagement­s et sa passion pour la ruralité.

- Propos recueillis par Éric de La Chesnais

Pourquoi publier un livre maintenant ?

Je suis passionné par la chasse et par mon terroir, le Nord-Pas-de-Calais, dans lequel j’ai grandi et où je vis avec ma femme et mes enfants. Jeune, ma passion de la nature était le centre de mes préoccupat­ions. Ce sont mes tripes, mes choix de vie, mes valeurs ! Je suis catalogué par mes adversaire­s comme « brutal », car je dis les choses de manière directe et claire. Par les idées que je défends et par mon physique, je représente tout ce que les animaliste­s et les végans détestent. Je reçois des milliers de menaces et d’injures, comme si les chasseurs étaient tous des barbares. Mais, derrière chaque personne, il y a une vie et une histoire. Les chasseurs sont des gens normaux, sensibles à la nature et à ce qui les entoure, qui aiment leur famille et leurs proches. Nous sommes armés et pour autant nous ne sommes pas violents au regard de l’agressivit­é des attaques que nous subissons de la part de certains individus.

Éric Dupond-Moretti encore avocat a préfacé votre livre. Pourquoi lui ?

Éric Dupond-Moretti est un ami, tout simplement. C’est quelqu’un qui aime la chasse et ne s’en cache pas. C’est en discutant avec lui alors qu’il n’était pas encore garde des Sceaux, qu’il a accepté de préfacer mon livre. Je lui en suis très reconnaiss­ant. Pourquoi ce titre : « Un chasseur en campagne » ? Vous êtes candidat à la présidenti­elle 2022 ?

Non ! Je n’ai pas prévu de me présenter à la prochaine élection présidenti­elle, mais tout reste possible si l’on continue à martyriser et harceler les gens du monde rural qui sont les grands oubliés du pays ! Si j’avais voulu, j’aurais pu faire une carrière politique. Mais pour le moment, je préfère défendre la chasse en tant que président de la FNC. Je suis conseiller municipal de mon village et j’en suis fier. Toutefois, je ne vais pas rester les bras croisés car je considère que l’on manque de relais qui comprennen­t notre cause dans le monde politique. S’il faut y aller, on saura agir en conséquenc­e ! Il ne faudrait pas grandchose pour mettre les chasseurs et leurs vieux alliés – les pêcheurs et les agriculteu­rs – dans la rue face à une Europe qui ne fait qu’empiler les normes. Nos vies de ruraux

deviennent si compliquée­s ! Je vais contacter mes homologues européens à la rentrée face à ce comporteme­nt de l’Europe vis-à-vis des ruraux. Je suis un grand défenseur d’une Europe économique, sociale et politique. Mais si rien ne change, les territoire­s ruraux pourraient basculer contre cette ingérence européenne.

Finalement la chasse, c’est quoi ? Un mode de vie ?

La chasse, c’est vivre la nature de l’intérieur. Les écologiste­s l’imaginent contemplat­ive. Nous, nous agissons. Nous observons, cherchons à comprendre et connaître la faune pour savoir ce qu’on peut prélever ou pas. Dans la nature, ce n’est pas le monde des Bisounours ! Le loup ou le renard ne sont pas gentils ! En vérité, la nature est brutale parce qu’elle est réelle. Ce n’est pas un monde virtuel.

Est-on obligé d’être chasseur pour être un vrai rural ?

La chasse est une des composante­s de la ruralité. On peut avoir des choix de vie, des valeurs et être rural sans être chasseur mais beaucoup de ruraux ont des liens avec la chasse. Être rural, c’est comprendre l’histoire et les traditions du terroir en s’y installant. Si l’on n’a pas cette compréhens­ion, on n’est pas un rural, on habite à la campagne ! La ruralité, ce n’est pas un positionne­ment géographiq­ue, c’est un état d’esprit !

La chasse est-elle menacée en France ?

Entre les initiateur­s du référendum d’initiative partagée (RIP), la propositio­n de loi du député Dombreval sur la cause animale, le combat des animaliste­s et des antichasse, l’opposition à notre égard est forte. Nous représento­ns la première cible pour ces opposants très actifs et médiatisés. En jouant sur l’empathie des gens qui ne connaissen­t pas la chasse et qu’on exacerbe avec deux photos et deux cris d’animaux, ils cherchent à faire basculer l’opinion publique. Ils veulent nous faire passer pour des assassins, des bourreaux et des mangeurs de viande ! Mais nous sommes aussi le premier point de blocage au déroulemen­t de leur stratégie. Derrière tout cela, il y a des intérêts financiers et des enjeux très forts comme changer l’alimentati­on des Français et du monde entier dans les années qui viennent avec notamment le véganisme et la viande artificiel­le, sans oublier la fin de l’expériment­ation clinique animale.

Pensez-vous que le RIP pourra aller jusqu’à son terme ?

Je pense que le RIP, le deuxième après celui sur la privatisat­ion des aéroports, pourrait aller jusqu’aux deux assemblées et que le nombre de parlementa­ires requis sera atteint car son objet est suffisamme­nt large pour que certains d’entre eux aient intérêt à le signer. Toutefois, ce RIP a un défaut : il est large ; il mélange la chasse, l’élevage, le cirque et l’expériment­ation animale. Cela sera difficile de le faire aboutir au niveau des deux assemblées. Ce RIP est un vrai déni de démocratie car c’est le totalitari­sme empathique de la rue qui va décider ! Au nom de l’écologie, on va arrêter la recherche médicale et on va donc accepter de mourir plus jeunes ? Aujourd’hui, c’est un RIP sur les animaux ; demain, y aura-t-il un RIP sur les vieux, les gros, les religions et quels en seront les enjeux ? Je vais entrer en contact avec les représenta­nts des activités mises en cause dans ce RIP pour que nous organision­s une riposte commune.

La réforme de la chasse de 2019 a notamment abouti au permis à 200 euros. Est-ce un succès ?

C’est une réussite extraordin­aire. En un an, on est passé de 90 000 à 450 000 chasseurs qui ont leur permis national à 200 euros. Cela a répondu à une véritable attente. 47 % des 1,03 million de permis actuels sont désormais des permis nationaux, ce qui prouve que son coût trop élevé représenta­it un vrai frein. Notamment pour les jeunes qui représente­nt aujourd’hui 30 % des chasseurs, beaucoup plus qu’il y a dix ans.

Quelles sont vos relations avec le président de la République ?

Les relations avec Emmanuel Macron sont bonnes. Nous avons l’écoute et la compréhens­ion du président de la République. Nous avons désormais un premier ministre qui est aussi un vrai rural. Ses premières prises de parole montrent que la chasse figure parmi ses centres d’intérêt. Je le remercie de son interventi­on dans le dossier de la chasse à la glu. Jean Castex est un homme qui comprend les territoire­s. Il y a longtemps que le monde rural attendait que l’un des siens accède à Matignon.

Les loups et les ours ont toute leur place dans la nature. Êtes-vous en accord avec les écologiste­s sur ce point ?

C’est comme le reste, tout est une question d’équilibre : il faut des ours et des loups dans la nature, mais il ne faut pas les laisser se développer de façon anarchique. À un moment, il y aura un loup qui va agresser un enfant au coin d’un bois et cela sera hélas trop tard. Le loup est un animal opportunis­te : au lieu de courir pendant des heures après une harde de cervidés, s’il peut « croquer » sans effort dans un troupeau de brebis ou autre, il le fera. C’est la même chose pour l’ours. Les estives sont un coeur de biodiversi­té exceptionn­elle en montagne grâce à une complément­arité séculaire entre l’élevage des moutons, la végétation et la faune sauvage. Cet équilibre pourrait disparaîtr­e si les bergers écoeurés, décident de tout arrêter !

Finalement, les chasseurs sont aussi des écologiste­s ?

Nous sommes les plus actifs sur les territoire­s au service de l’écologie et de la biodiversi­té. Mais nous n’avons pas su expliquer cette réalité à l’opinion publique. Nous avons loupé le coche il y a quarante ans, car on pensait que pour vivre heureux, il fallait vivre cachés ! Cela a été une énorme erreur. Nous menons de vraies actions écologique­s sur le terrain comme la plantation d’éléments fixes (haies et arbres), l’entretien des biotopes… Je considère que la chasse ne doit pas être défendue mais expliquée. Nous allons envoyer à l’occasion de l’ouverture de la chasse un document pédagogiqu­e aux 615 000 élus républicai­ns pour montrer ce que la chasse apporte concrèteme­nt aux territoire­s. ■

Propos recueillis par Éric de La Chesnais

Un chasseur en campagne, de Willy Schraen, Gerfaut, 240 p., 19,90 €. Préface de Me Éric DupontMore­tti.

“Nous sommes les plus actifs sur les territoire­s au service de l’écologie et de la biodiversi­té. Mais nous n’avons pas su l’expliquer à l’opinion”

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Willy Schraen, une fine gâchette en campagne.
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