LES SOUVENIRS DE MARC SIMONCINI
Le fondateur de Meetic n’est pas près d’oublier ses pérégrinations à moto à travers Madagascar, synonymes d’aventure, de jeunesse et de liberté.
Ces vacances qui ont changé ma vie
Marc Simoncini se souvient de ses vacances àMadagascar comme si c’était hier. Il avait à peine 30 ans et ressentait l’envie de partir loin, très loin de la France. Il venait de subir son premier échec entrepreneurial : CTB, la société de développement de logiciels télécoms qu’il avait créée quelques années plus tôt, à 22 ans, avait déposé son bilan. « Ce n’est pas neutre, dans un pays comme la France où l’échec est si mal considéré, insiste-t-il. Avec mes associés, nous étions des faillis, nous étions inscrits au fichier de la Banque de France. Et pour ma part, j’étais ruiné et sans aucune idée pour rebondir. » D’où l’envie de partir à l’aventure, pour se changer les idées et s’imposer un nouveau défi : découvrir Madagascar à moto et humer le souffle de la liberté durant deux mois ! « Je suis parti dans des conditions extrêmement aventureuses. Je n’avais pas d’attaches sur place, et pas beaucoup d’argent. Par ailleurs, à l’époque, il était très compliqué de se déplacer à Madagascar. De nombreuses routes étaient totalement impraticables, voire inexistantes », raconte Marc
Simoncini qui, au début, était accompagné par deux amis, avant de terminer son périple de baroudeur tout seul, dormant à même le sol dans des cabanes, au hasard des villages qu’il traversait. « J’ai eu une passion immédiate pour ce pays, ses habitants, leur ouverture d’esprit, leur bienveillance et leur gentillesse. Évidemment, à l’époque, j’avais très peu voyagé. Je me suis rattrapé depuis, j’avoue ; mais je n’ai jamais trouvé un pays aussi beau que Madagascar ! Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est l’immense pauvreté des gens, reprend-il. Je n’oublierai jamais la fois où, alors que je roulais la nuit, je suis tombé sur une espèce d’armée de fantômes éclairés avec des lampes et des bougies. Je me suis arrêté et en discutant avec les gens, j’ai découvert qu’il s’agissait de femmes birmanes, les seules personnes qui étaient plus pauvres que les Malgaches et qui acceptaient de venir construire les
“J’AI TRAVERSÉ L’ÎLE À MOTO PENDANT DES SEMAINES
EN TOUTE ILLÉGALITÉ !”
routes en pleine nuit. » Pendant des années, Marc Simoncini a gardé un lien fort avec ce pays, aidant à construire des dispensaires et des écoles…
Mais ce que l’entrepreneur ne dit pas, c’est qu’à l’époque de sa parenthèse malgache, il n’avait pas son permis moto. Ce qui ne l’avait pas empêché d’en acheter une sur place car c’était de loin le meilleur moyen de gagner du temps en roulant dans le lit des rivières asséchées, bien préférables aux routes défoncées. « Si je suis parvenu à m’acheter une moto sans avoir le permis, c’est grâce à la promesse d’un commissaire de police de m’en délivrer un, moyennant quelques centaines de francs malgaches. Mais je n’ai jamais vu la couleur de ce permis, si bien que j’ai traversé l’île à moto pendant des semaines en toute illégalité ! » confie Marc Simoncini. Les années ont passé et l’entrepreneur a vite oublié ce fonctionnaire indélicat. Le créateur du site d’hébergement internet iFrance, revendu à Vivendi (alors dirigé par Jean-Marie Messier) dans les années 2000, avait d’autres chats à fouetter ! D’autant que les succès se sont enchaînés pour lui, avec le lancement de la plate-forme de rencontres Meetic, l’une des plus belles success-stories françaises de ces dernières années. « J’avais complètement oublié cette histoire de permis, raconte Simoncini. Mais un jour, j’ai croisé Patrick Bruel qui m’a remis une enveloppe qu’un de ses amis, de passage à Madagascar, lui avait donnée à mon intention. Et là, en ouvrant cette mystérieuse missive, je suis tombé sur le permis moto malgache que le commissaire m’avait promis vingt-cinq ans auparavant ! Cet homme avait fait des efforts incroyables pour retrouver la trace du jeune Français auprès de qui il ne voulait pour rien au monde passer pour quelqu’un de malhonnête ! »