“Nous ne souhaitons pas d’augmentation d’impôts”
Le ministre de l’Économie répond à Agnès Verdier-Molinié et promet que la dette sera remboursée sans hausse des prélèvements obligatoires.
L’Allemagne prévoit de revenir à l’équilibre budgétaire en 2022. Et la France ?
La France entamera le rétablissement de ses finances publiques quand la crise sanitaire et la crise économique seront derrière nous. En protégeant notre économie, nos entreprises, nous avons gardé une extraordinaire capacité de rebond, comme l’a démontré le retour de l’activité quasiment à la normale en quelques jours après le confinement. En outre, les Français ont accumulé pendant cette année 2020 presque 100 milliards d’épargne qui, demain, viendront soutenir la consommation et l’investissement. Je crois à la nécessité d’avoir des finances publiques saines, mais ce rétablissement ne peut et ne doit commencer que lorsque nous en aurons fini avec cette crise. Ne reproduisons pas les erreurs qui ont été faites en 2009 où, en voulant rétablir trop vite nos finances publiques, nous avons tué la croissance. Je veux être néanmoins très clair : nous travaillons sur cette stratégie de rétablissement de nos finances publiques. Nous avons demandé à un ancien ministre des Finances, Jean Arthuis, de présider une commission sur ce sujet, qui doit nous remettre des propositions dans les semaines qui viennent. Ces propositions seront étudiées avec la plus grande attention. S’agissant de l’Allemagne, notre premier partenaire politique et économique, nous verrons si elle est en mesure de tenir son calendrier au regard des dernières évolutions économiques et sanitaires.
La France est-elle menacée de faillite, comme l’écrit Agnès Verdier-Molinié ? Non. C’est faux et Agnès VerdierMolinié le sait parfaitement. L’État a effectivement beaucoup dépensé. C’est le choix qu’a fait le président de la République et c’était le choix responsable pour protéger et permettre la reprise le moment venu. Je crois que c’était la meilleure chose à faire et toutes grandes organisations économiques, le FMI, l’OCDE et la Commission européenne soutiennent cette approche qui, au bout du compte, sera moins coûteuse pour les finances publiques, car il est moins coûteux de protéger les salariés et les compétences de la France, que de voir exploser un chômage de masse et le nombre de faillites qui, outre leur coût financier, auraient un coût social et politique exorbitant.
Ce qui est très étonnant, c’est qu’on nous reproche tout et son contraire ! Certains nous reprochent de ne pas dépenser autant d’argent que nos grands voisins européens comme l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie. Agnès Verdier-Molinié, elle, nous reproche d’en faire trop. La réalité, c’est que tous les pays européens ont fait ce choix responsable qui est de protéger leur économie pendant cette période de crise, notamment avec du chômage partiel et des prêts garantis par l’État. Et je veux rassurer Agnès Verdier-Molinié : la France n’a pas de difficulté à lever de la dette sur les marchés ni avec les agences de notation, d’une part parce que tous les pays européens adoptent la même politique, ensuite parce que nous avons le bouclier de la Banque centrale européenne et, enfin, parce que les investisseurs savent que la France est un pays responsable et que nous sommes déterminés avec le président de la République à rétablir nos finances publiques quand le moment sera venu.
Avez-vous des points d’accord avec Agnès Verdier-Molinié ?
Il y a dans ses critiques beaucoup
d’éléments qui sont justes et dans lesquels je me retrouve. Quand elle indique qu’il est fondamental que l’État rembourse sa dette pour rassurer les investisseurs et nos partenaires européens, par exemple, je partage son analyse. Il faut que les choses soient claires pour tout le monde : la dette devra être remboursée. Dire que nous ne la rembourserons pas est irresponsable vis-à-vis de nos partenaires européens et visà-vis des investisseurs qui ont confiance dans la signature de la France. Sur la nécessité d’augmenter le volume de travail dans notre pays, je me reconnais aussi dans les propositions d’Agnès Verdier-Molinié. Quand vous regardez le volume global d’heures travaillées par les Français tout au long de la vie et que vous le comparez aux autres pays développés, il y a une chose qui est frappante : nous travaillons moins que nos principaux partenaires. Cela ne veut pas dire que chaque salarié français ne travaille pas avec beaucoup de determination et beau coup de professionnalisme, mais cela signifie qu’en raison du chômage de masse, de l’entrée tardive des jeunes sur le marché du travail et du faible nombre de personnes de plus de 55 ans qui travaillent – ce qui est un gâchis d’expérience et de talent – nous avons un volume global de travail inférieur à celui de nos grands partenaires économiques. Cette situation n’est pas tenable. C’est un danger pour notre économie et pour notre modèle de protection sociale, donc je considère que l’augmentation du volume global de travail de la France est indispensable pour éviter justement les augmentations d’impôts, préserver notre modèle social et garantir notre croissance.
Vous êtes un ardent partisan de la poursuite des réformes, notamment celle des retraites, mais si vous perdez les arbitrages, le gouvernement pourrat-il tenir sa promesse de ne pas augmenter les impôts alors que les dépenses explosent ?
Nous engagerons, dès la sortie de la crise, des réformes structurelles. Je le répète : je suis opposé à toute augmentation d’impôts, sur les ménages comme sur les entreprises. Nous avons, avec le président de la République et le premier ministre, baissé les impôts de 44 milliards d’euros en trois ans. C’est la plus forte baisse des impôts en France depuis vingt ans ! Malgré cette baisse, nous restons le pays développé, le pays de l’OCDE qui a le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé. Il n’y a donc pas de solution dans l’augmentation des impôts. Le président de la République a été clair : il ne souhaite pas d’augmentation d’impôts dans notre pays. C’est mon rôle que d’y veiller. ■
“Dire que nous ne rembourserons pas la dette est irresponsable vis-à-vis des investisseurs”