UN AMÉRICAN À ANGOULÊME
La 48e édition du Festival de la BD va-t-elle marquer la consécration de Derf Backderf ?
Crise sanitaire oblige, la 48e édition du Festival de la bande dessinée d’Angoulême ne sera pas comme les autres. Scindée en deux parties, la manifestation qui met chaque année à l’honneur la BD promet, le 29 janvier prochain, une remise des prix en direct du théâtre de la ville d’Angoulême. Et espère proposer en juin prochain les événements « physiques » habituels.
C’est l’occasion de mettre en lumière le travail remarquable de l’Américain Derf Backderf, auteur d’un percutant roman graphique *. Sélectionné par le jury d’Angoulême, son album en noir et blanc a toutes les chances de rafler un prix, et, qui sait, la plus haute distinction. À 60 ans, l’auteur de Mon ami Dahmer vit dans l’Ohio, à Cleveland. Enfant, il fut traumatisé par un drame qu’il reconstitue heure par heure, avec beaucoup de minutie. Sur le campus de l’université de Kent State, le lundi 4 mai 1970, la garde nationale américaine confond des milliers d’étudiants, qui se dirigent d’une salle à l’autre durant l’intercours, avec des manifestants réfractaires à la guerre du Vietnam. En treize secondes, l’impensable arrive. Quatre étudiants sont abattus et neuf autres gravement blessés. À la manière d’un Joe Sacco, avec un style hérité des comics underground des années 1970 (on pense à Crumb ou à Gilbert Shelton…), Backderf plonge le lecteur au coeur de cette spirale de violence, typique des années Nixon. D’aucuns ne manqueront de dresser un parallèle avec les événements récents survenus au Capitole…
* Kent State. Quatre morts dans l’Ohio, Éditions Çà et Là, 288 p., 24 €.