LA LITTÉRATURE À L’ESTOMAC
Les masques tombent. Un politologue qui se prenait pour Gatsby le Magnifique se révèle avoir été le Gros Dégueulasse de Reiser. Le Tout-Paris s’étonne. Les malins font semblant d’être au courant. Pendant l’épidémie, la comédie du pouvoir continue. La vie se conjugue à l’imparfait. Les déjeuners au restaurant ressemblent à de vagues mirages. On rêve de nappes blanches et de menus imprimés à l’encre bleue. Quels goinfres nous sommes ! Le Français n’a jamais eu honte d’être un estomac sur pattes. Il aime le gras, les blagues salaces, les bourrades sur l’épaule, cette franche camaraderie qui lui rappelle les dortoirs du collège.
Il y a aussi l’esprit, la conversation, l’amour des femmes. Cela n’est pas incompatible. Il y a la littérature. Christine de Rivoyre aurait eu 100 ans. Elle ne les fait pas. On en aura la preuve dans le n° 3 des Cahiers qui portent son nom. L’auteur du Petit Matin sautait dans les vagues de l’Atlantique, gavait des oies landaises, montait ses chevaux dans la forêt. Sa correspondance avec Michel Déon est libre, pétillante, frivole. Ça y va. Rivoyre écrivait comme ça lui chantait. Elle n’avait pas sa langue dans sa poche. Cela donne envie de s’attabler dans sa salle à manger d’Onesse, de lui demander par quelle aberration elle s’était retrouvée à siéger au jury Médicis, de caresser son chien Boulou. Elle est là. Elle est vivante.
Vous reprendrez bien un peu de Rivoyre ?
Sa prose est garantie sans cholestérol. Quel repos, après tous ces romans au vocabulaire obèse !