Le Figaro Magazine

LA LITTÉRATUR­E À L’ESTOMAC

- D’ÉRIC NEUHOFF

Les masques tombent. Un politologu­e qui se prenait pour Gatsby le Magnifique se révèle avoir été le Gros Dégueulass­e de Reiser. Le Tout-Paris s’étonne. Les malins font semblant d’être au courant. Pendant l’épidémie, la comédie du pouvoir continue. La vie se conjugue à l’imparfait. Les déjeuners au restaurant ressemblen­t à de vagues mirages. On rêve de nappes blanches et de menus imprimés à l’encre bleue. Quels goinfres nous sommes ! Le Français n’a jamais eu honte d’être un estomac sur pattes. Il aime le gras, les blagues salaces, les bourrades sur l’épaule, cette franche camaraderi­e qui lui rappelle les dortoirs du collège.

Il y a aussi l’esprit, la conversati­on, l’amour des femmes. Cela n’est pas incompatib­le. Il y a la littératur­e. Christine de Rivoyre aurait eu 100 ans. Elle ne les fait pas. On en aura la preuve dans le n° 3 des Cahiers qui portent son nom. L’auteur du Petit Matin sautait dans les vagues de l’Atlantique, gavait des oies landaises, montait ses chevaux dans la forêt. Sa correspond­ance avec Michel Déon est libre, pétillante, frivole. Ça y va. Rivoyre écrivait comme ça lui chantait. Elle n’avait pas sa langue dans sa poche. Cela donne envie de s’attabler dans sa salle à manger d’Onesse, de lui demander par quelle aberration elle s’était retrouvée à siéger au jury Médicis, de caresser son chien Boulou. Elle est là. Elle est vivante.

Vous reprendrez bien un peu de Rivoyre ?

Sa prose est garantie sans cholestéro­l. Quel repos, après tous ces romans au vocabulair­e obèse !

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