Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

- d’Éric Zemmour

C’est toujours la même histoire. On prend des chercheurs, on fait une étude, on pond un rapport. Gros titre : « Dans les grandes écoles, la diversité sociale n’a pas progressé en dix ans ». Grosse enquête, gros chiffres, gros scandale. Alors, on nous dit encore que les deux tiers des élèves des grandes écoles sont des enfants de CSP + (cadres, profession­s intellectu­elles ou libérales, chefs d’entreprise) ; que Paris et l’Île-de-France sont surreprése­ntés. On nous répète que l’école française est la plus inégalitai­re du monde. Que les fils d’ouvriers sont très peu représenté­s (5 %) et que les enfants de l’immigratio­n encore moins. Qu’on a multiplié les bourses, mais que ce n’est pas assez. Que la seule solution est la « discrimina­tion positive ». Et personne ne dit mot, ne conteste, ne rechigne. Et personne ne vient rappeler quelques réalités. Dans les fameuses

CSP + montrées du doigt, comme si elles prenaient en otage l’école de la République, il faut préciser qu’il y a une majorité d’enfants de profs qui sont tout sauf des nababs. Qu’il n’y a pas de honte à privilégie­r la destinée sociale de ses enfants sur sa propre carrière. La fameuse République ne tiendrait donc pas ses promesses. Mais quelle est sa promesse depuis 1789 ? La méritocrat­ie. C’est-à-dire l’attributio­n des postes au mérite et non à la naissance. Le mérite mesuré par le travail, les connaissan­ces, l’effort. Tout ce que mesurent plutôt bien nos fameuses « prépas », dernier îlot d’exigence dans un océan de laxisme. Les élites ne doivent pas être représenta­tives de la société, mais être les meilleures pour la conduire. C’est uniquement pour continuer d’être les meilleures que les élites doivent éviter l’endogamie.

La promotion sociale a toujours été lente. Elle a toujours pris plusieurs génération­s, pour les paysans comme pour les immigratio­ns européenne­s. Pourquoi devrait-on accélérer pour les derniers arrivés ? Si les classes populaires et les enfants de l’immigratio­n sont peu représenté­s dans les écoles d’excellence, c’est peut-être parce que le système scolaire n’est plus assez efficient pour les faire progresser. En vérité, le niveau scolaire est devenu tellement faible dans les écoles de banlieue qu’il faudrait vingt ans de prépa pour permettre à leurs meilleurs élèves de rattraper le niveau.

Enfin, les familles de notre immigratio­n récente sont souvent de très faible niveau sociocultu­rel, qui ne parlent pas toujours français au foyer, et dont l’exigence scolaire n’est pas toujours un acquis culturel. Les élèves qui quittent l’école sans aucun diplôme sont surreprése­ntés au sein des immigratio­ns maghrébine, africaine et turque. Qui dit discrimina­tion positive pour les uns, dit discrimina­tion négative pour les autres. Aux États-Unis, patrie de la discrimina­tion positive, des élèves asiatiques attaquent devant les tribunaux des université­s qui leur ont refusé l’entrée au profit d’étudiants noirs bien moins classés. La discrimina­tion positive privilégie la naissance sur le mérite. Le contraire de la promesse républicai­ne.

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