Le Figaro Magazine

LES RENDEZ-VOUS

À 85 ans, le père d’« Apostrophe­s » et des Dicos d’or publie son premier roman. Libéré de tout, il y décrit une bande de joyeux octogénair­es pour qui la vie reste une grâce.

- de J-R Van der Plaetsen

Il y a plusieurs façons de considérer ce que Michel Déon appelait la montée du soir – c’est-à-dire la venue de l’âge. On peut juger que c’est le début tant espéré de la sagesse, le droit enfin reconnu à la mélancolie, le prologue d’une confrontat­ion intérieure entre un optimisme de raison et la lucidité du pessimisme. Il y a de tout cela en Bernard Pivot qui, à 85 ans, a dépassé le stade de l’autodépréc­iation et de l’analyse inquiète à la Nourissier. Le genre de Pivot, ce serait plutôt la contemplat­ion amusée et le désir de continuer à profiter des plaisirs de la vie. L’année 2020 aura été, pour l’homme des dictées et le défenseur des vins du Beaujolais, un millésime charnière – un « âge pivot », dit-il. Report d’un an de l’ouvrage qui paraît ces jours-ci ; démission du jury du prix Goncourt, dont il était membre depuis quinze ans ; ennuis de santé suivis de l’emménageme­nt dans un nouvel appartemen­t, dont chaque pièce comporte une bibliothèq­ue pleine de livres, de photos et de souvenirs qui retracent son exceptionn­elle carrière de journalist­e et d’ami des lettres. Pourtant, Pivot ne change pas. Il a conservé des années d’« Apostrophe­s » cette humilité devant la littératur­e, cette bonhomie non feinte, cet amour des écrivains qui ont fait son succès. Avec… mais la vie continue, il s’est lancé un défi de taille : écrire son premier roman. Le pari – remporté haut la main – n’était pas gagné d’avance. En décrivant une bande de joyeux drilles, sortes d’enfants de la chance devenus octogénair­es parisiens, il a trouvé le ton juste pour dire les petits et les grands soucis de l’âge, la nostalgie qui s’empare des esprits, l’amitié vécue comme un antidote aux regrets. « Le privilège de vivre vieux, dit l’auteur qui revient sans cesse à la littératur­e, c’est de voir ce que la postérité fait des écrivains que l’on a connus. » À rebours d’une époque pressée, Pivot prend son temps. Son éloge de la lenteur est une pédagogie de la sérénité.

“À long terme, je n’ai plus beaucoup de temps ; à court terme, j’ai tout mon temps”

… MAIS LA VIE CONTINUE,

de Bernard Pivot, Albin Michel, 225 p., 19,90 €.

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La phrase du livre à retenir (p. 61)
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