Le Figaro Magazine

À L’AFFICHE

Pour patienter avant le retour des spectacles, un magnifique et sombre roman de Fabienne Pascaud.

- Culturelle­ment vôtre, par J.-Ch. Buisson et les passe-temps d’Éric Neuhoff

Le théâtre vous manque ? Vous rêvez des raclements de gorge, grincement­s de fauteuil et autres stridentes sonneries au public qui annoncent le début du spectacle ? Vous êtes orphelin de la chronique de Philippe Tesson ? Nous aussi. D’où la jubilation à lire, en ce moment, le premier roman de Fabienne Pascaud dont les auditeurs du « Masque et la Plume » sur France Inter savent la passion érudite que la directrice de Télérama éprouve pour cet art si français. Ses goûts sont discutable­s, mais sa ferveur indispensa­ble. C’est justement cette ferveur, cette fièvre, cette frénésie que l’on retrouve dans Rideau noir (Stock). Celles qui animent ses personnage­s, pour la plupart acteurs ou auteurs. Celles d’une plume trempée dans une encre mystérieus­e faite de fantômes intermitte­nts, de tables qui tournent, de familles déchirées, d’enfants abandonnés, de sorciers inquiétant­s. De meurtres et de résurrecti­ons, aussi. Virtuelles ou réelles.

Du Berry à Paris, des années d’après-guerre à 2021 se déploie avec la majesté d’une robe shakespear­ienne une histoire fragmentée en plusieurs périodes dont les personnage­s finissent par se croiser comme dans une grande famille. Comme dans un film de Robert Altman. Une constructi­on virtuose, vivante, haletante, en harmonie avec ce qui fait office à la fois de fond de scène et de décor : le théâtre.

À son sujet, Fabienne Pascaud distille avec une diabolique habileté – en évitant le piège de la cuistrerie – mille références, clins d’oeil, avis, définition­s qui sont comme des grains de sel sur nos langues asséchées. Les promenades nocturnes de ses héroïnes sur les grands boulevards parisiens, d’une salle l’autre ; ses descriptio­ns de répétition­s ou de spectacles à la Comédie-Française en 1947 ou au XXIe siècle ; ses allers-retours entre classique et contempora­in ; ses plongées dans les têtes plus ou moins bien faites des comédiens ; tout cela nous renvoie à notre triste statut de non-spectateur.

Avec la crainte qu’il devienne ce qu’est le théâtre :

« de toute éternité ».

Comme ses personnage­s.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France