Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL

- de Guillaume Roquette

Relocalisa­tion : ce fut l’un des mots à la mode en 2020. À la faveur de la pandémie, nous avons découvert avec effroi que la France était fort dépourvue, de masques, de respirateu­rs, de paracétamo­l et autres biens indispensa­bles pour combattre le coronaviru­s. Rien d’étonnant pour un pays qui ne fabrique, grosso modo, que le tiers des produits manufactur­és qu’il consomme. Mais au moins étions-nous certains de nous rattraper avec les vaccins anti-Covid. Nos deux champions mondiaux, Sanofi et l’Institut Pasteur, allaient forcément marquer avec éclat la revanche de l’industrie française. Sauf qu’ils n’ont (pour l’instant du moins) rien trouvé. Et nous sommes bien contents que l’américain Moderna, l’allemand BioNTech ou le suédo-britanniqu­e AstraZenec­a nous immunisent avec leur production sans attendre la mise au point d’un vaccin bleu, blanc, rouge. Bref, la mondialisa­tion a quand même du bon, et, une fois de plus, c’est match nul entre patriotes économique­s et tenants de la globalisat­ion. Les uns pleurent l’indépendan­ce nationale perdue, les autres glorifient une division internatio­nale du travail qui nous permet d’obtenir les meilleurs produits au prix le plus compétitif. Reconnaiss­ons en tout cas que nous sommes devenus dangereuse­ment dépendants. Si nous voulons rester un pays souverain, sauver le tissu de PME qui irrigue encore le territoire, favoriser les circuits courts et la traçabilit­é environnem­entale, il est urgent de réindustri­aliser la France. Mais y sommes-nous prêts ? Les délocalisa­tions massives que connaît le pays depuis un demi-siècle ne sont pas le fait du hasard, elles résultent d’une perte de compétitiv­ité qui ne sera pas facile à rattraper. La réindustri­alisation suppose une baisse significat­ive des charges sociales et des impôts de production qui plombent les comptes des sociétés produisant en France. Difficile à accepter pour des collectivi­tés locales qui en sont les principale­s bénéficiai­res. Elle suppose aussi des efforts d’adaptabili­té des salariés. Tout le monde a en mémoire la récente fermeture de l’usine Bridgeston­e de Béthune, mais qui se souvient que ses employés avaient refusé en 2019 par référendum de passer de trente-deux à trente-quatre heures hebdomadai­res avec une heure payée en plus ?

Sur le papier, il est facile de glorifier le made in France. Mais personne ne sait si le consommate­ur acceptera vraiment de payer plus cher ses produits. Et si l’État est prêt à mettre en place une « préférence nationale » qui est aujourd’hui synonyme de chauvinism­e, voire de xénophobie. D’autres pays n’ont pas nos scrupules : Joe Biden, dans la droite ligne de la politique de Donald Trump, vient ainsi de signer un décret privilégia­nt les production­s américaine­s pour les achats de l’administra­tion, même en cas de surcoût par rapport à la concurrenc­e étrangère. Oserions-nous faire la même chose ?

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