L’ÉDITORIAL
Relocalisation : ce fut l’un des mots à la mode en 2020. À la faveur de la pandémie, nous avons découvert avec effroi que la France était fort dépourvue, de masques, de respirateurs, de paracétamol et autres biens indispensables pour combattre le coronavirus. Rien d’étonnant pour un pays qui ne fabrique, grosso modo, que le tiers des produits manufacturés qu’il consomme. Mais au moins étions-nous certains de nous rattraper avec les vaccins anti-Covid. Nos deux champions mondiaux, Sanofi et l’Institut Pasteur, allaient forcément marquer avec éclat la revanche de l’industrie française. Sauf qu’ils n’ont (pour l’instant du moins) rien trouvé. Et nous sommes bien contents que l’américain Moderna, l’allemand BioNTech ou le suédo-britannique AstraZeneca nous immunisent avec leur production sans attendre la mise au point d’un vaccin bleu, blanc, rouge. Bref, la mondialisation a quand même du bon, et, une fois de plus, c’est match nul entre patriotes économiques et tenants de la globalisation. Les uns pleurent l’indépendance nationale perdue, les autres glorifient une division internationale du travail qui nous permet d’obtenir les meilleurs produits au prix le plus compétitif. Reconnaissons en tout cas que nous sommes devenus dangereusement dépendants. Si nous voulons rester un pays souverain, sauver le tissu de PME qui irrigue encore le territoire, favoriser les circuits courts et la traçabilité environnementale, il est urgent de réindustrialiser la France. Mais y sommes-nous prêts ? Les délocalisations massives que connaît le pays depuis un demi-siècle ne sont pas le fait du hasard, elles résultent d’une perte de compétitivité qui ne sera pas facile à rattraper. La réindustrialisation suppose une baisse significative des charges sociales et des impôts de production qui plombent les comptes des sociétés produisant en France. Difficile à accepter pour des collectivités locales qui en sont les principales bénéficiaires. Elle suppose aussi des efforts d’adaptabilité des salariés. Tout le monde a en mémoire la récente fermeture de l’usine Bridgestone de Béthune, mais qui se souvient que ses employés avaient refusé en 2019 par référendum de passer de trente-deux à trente-quatre heures hebdomadaires avec une heure payée en plus ?
Sur le papier, il est facile de glorifier le made in France. Mais personne ne sait si le consommateur acceptera vraiment de payer plus cher ses produits. Et si l’État est prêt à mettre en place une « préférence nationale » qui est aujourd’hui synonyme de chauvinisme, voire de xénophobie. D’autres pays n’ont pas nos scrupules : Joe Biden, dans la droite ligne de la politique de Donald Trump, vient ainsi de signer un décret privilégiant les productions américaines pour les achats de l’administration, même en cas de surcoût par rapport à la concurrence étrangère. Oserions-nous faire la même chose ?