4 MANIÈRES DE FAIRE DES DONS SUR MESURE
Il existe de multiples façons de transmettre son patrimoine de son vivant. À vous d’utiliser la technique la mieux adaptée à votre situation familiale.
Organiser la transmission de son patrimoine est le meilleur moyen pour éviter les conflits familiaux et contenir les droits de succession. On le sait, on y songe, mais… Le petit dernier est encore bien jeune. L’aîné est un panier percé. Il est encore un peu tôt pour se démunir. À chacun ses réticences et ses préoccupations. Pourtant de nombreux outils favorisent une transmission sur mesure, en douceur, sécurisée.
Certains sont bien connus comme le démembrement de propriété ou la société civile immobilière (SCI), d’autres s’avèrent plus confidentiels. Tous ces outils peuvent être associés dans des donations cousues main. Leur socle repose très souvent sur une donation-partage, un dispositif plébiscité par les notaires et les experts de l’ingénierie patrimoniale. Cet acte notarié fige en effet la valeur des biens donnés aux enfants ou acquis avec l’argent donné dans ce cadre. Ils ne seront ni réévalués au décès des parents ni déduits de la part d’héritage de chaque enfant comme c’est le cas avec une simple donation ou un don d’argent. Cela évite à l’enfant qui a créé son entreprise ou acheté un appartement dont le prix s’est envolé d’avoir à partager son enrichissement avec un autre qui a tout dilapidé. « Très souple, la donation-partage n’est pas réservée aux enfants et aux petits-enfants, précise Me François Letellier, notaire à Clermont-Ferrand. On peut aussi transmettre à un frère, une soeur ou même au conjoint. » Elle n’a qu’un inconvénient, c’est d’imposer de donner de l’argent ou un bien distinct à chacun. « Si certains se partagent la maison de famille et restent en indivision, cela ne vaut pas partage. Au décès des parents, il faudra réévaluer ce qui a été donné », explique Me Murielle Gamet, notaire associée de Cheuvreux Notaires. En dépit de ce bémol, la donation-partage, dans ses formes les plus élaborées, offre de nombreux attraits.
1. La donationpartage conjonctive
« La donation-partage conjonctive s’avère adaptée lorsque les parents possèdent des biens propres dont certains sont en partie exonérés de droits de donation ou de succession », illustre
Christine Valence, ingénieur patrimonial chez BNP Paribas Banque privée. Un parent qui possède des vignes ou des forêts peut les transmettre à l’enfant le plus attaché à ces terres, son conjoint transmettant un de ses biens pour rééquilibrer les donations aux autres enfants, comme une résidence secondaire ou un bien locatif. « Dans le cas d’une donation conjonctive, les deux parents confondent leurs biens respectifs pour les partager entre leurs enfants, chaque enfant est censé avoir reçu une quote-part des biens donnés par son père et une quote-part des biens donnés par sa mère. Les droits de donation sont liquidés sur les droits théoriques de chaque donataire dans la masse de biens partagés », détaille l’experte. L’enfant qui recueille les biens sans exonération n’est ainsi pas désavantagé et le montant total des droits à payer s’en trouve réduit.
2. La donation-partage transgénérationnelle
Elle permet de faire un saut de génération lorsqu’un des enfants souhaite que ses propres enfants recueillent à sa place, tout ou partie de la donation. Pour Me Murielle Gamet, « c’est un bon moyen de palier une importante différence d’âge entre les enfants en permettant à deux générations différentes de recevoir, sans déséquilibrer l’égalité entre les deux branches de la famille. » Les petits-enfants sont taxés, après un abattement de 31 865 €, sur la part que chacun reçoit. « Cela évite d’atteindre les tranches les plus taxées du barème des droits de donation. On tire parti des abattements réservés aux petits-enfants. Et bien sûr, la famille économise le coût d’une transmission intermédiaire », explique Me François Letellier.
Mieux, ce saut de génération peut être opéré a posteriori. Des grands-parents qui ont donné par exemple des titres ou des parts de SCI à un enfant peuvent procéder, avec son accord, à une donation-partage en réintégrant les biens donnés pour les réattribuer à leurs petits-enfants. Si la donation originelle date de plus de 15 ans, l’opération est considérée par le fisc comme un simple partage et non comme une nouvelle donation au profit des petits-enfants. Il n’y a donc pas de droits de donation à régler mais seulement le droit de partage de 2,5 %. « Ce dispositif s’avère parfois le plus sûr moyen de conserver au sein de la famille des biens qui ont pris beaucoup de valeur et dont la vente à des tiers serait sinon inévitable compte tenu du montant des droits à payer. Une entreprise, des parcelles de vignes dont les prix ont flambé ces dernières années ou des immeubles de rapport s’y prêtent tout particulièrement », analyse Christine Valence. Autre avantage relevé par Stéphane Jacquin, associé gérant de Lazard Frères Gestion, « l’opération préserve la fraction du patrimoine dont les grands-parents disposent librement et qu’ils peuvent léguer ou donner comme bon leur semble. Tandis qu’un don classique aux petits-enfants entame forcément cette quotité disponible. »
3. La donation résiduelle
Outil encore méconnu, la donation résiduelle facilite la transmission entre oncle ou tante et neveu ou nièce en leur évitant d’acquitter 55 % de droits de succession. « Lorsque des parents souhaitent consentir une donation à leurs enfants et que l’un d’eux n’a pas d’enfant, il est recommandé de réaliser une donation résiduelle qui va imposer à cet enfant de transmettre à ses neveux et nièces, les biens reçus subsistants (le “résidu”) lors de son décès. Ainsi, les neveux et nièces recevront ce patrimoine en bénéficiant d’une fiscalité avantageuse applicable entre grandparent et petit-enfant (barème progressif de 5 à 45 %, à comparer au taux de 55 % applicable entre oncle et neveu) et ils pourront déduire les droits de donation payés lors de la transmission initiale », explicite Audrey Ferry, responsable de l’ingénierie patrimoniale de Bordier & Cie. La donation résiduelle peut également permettre à des parents qui ont un enfant lourdement handicapé de lui donner un bien qui lui assure une protection financière et de prévoir qu’à son décès, le bien reviendra à leurs autres enfants. Les droits de succession seront ceux entre parents et enfants, et non pas ceux bien plus élevés appliqués entre frères et soeurs.
4. Assortir la donation de clauses
Les parents et grands-parents qui craignent qu’un enfant trop jeune, influençable ou dépensier, ne fasse mauvais usage de la donation peuvent opter pour différentes clauses qui la sécurisent. On peut retarder l’âge auquel l’enfant disposera de l’argent. « La donation à terme, rarement utilisée, apporte une réponse très sûre à cette préoccupation. On peut investir une somme dans un contrat de capitalisation, le donner au petit-enfant, et différer la délivrance de la libéralité à ses 25 ans, par exemple. Les gains sur le capital donné ne supporteront pas de droits de donation complémentaires », souligne Jean-François Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale de la Banque Richelieu France. Quant aux parents qui redoutent qu’en cas de divorce, leur enfant soit dépossédé du bien donné, « ils peuvent stipuler dans la donation qu’il constitue un bien propre. Ainsi, quel que soit le régime matrimonial du couple, il ne pourra pas être apporté à la communauté », suggère Stéphane Jacquin. Même un prêt en cours sur un bien locatif n’empêche pas sa transmission. « On peut prévoir dans l’acte de donation une clause qui met à la charge du donataire le soin de finir de rembourser l’emprunt. Bien sûr, l’accord préalable de la banque est nécessaire pour opérer cette substitution de débiteur », rappelle Christine Valence. Pour l’experte, l’opération s’avère même assez avantageuse puisque le crédit est déduit de la valeur du bien pour calculer les droits de donation. Chaque problème trouve sa solution. ■