LA VIE DES FAUVES
★★★ Les Derniers Guépards, de Patrick Reumaux, Gallimard, 151 p., 18 €.
On dit que les aristocrates en Sicile passent leur temps à ne rien faire. Des gens vides, des « tabernacles sans sacrement », selon une expression locale. Ce n’est pas exact. Prenez Giuseppe Tomasi, mieux connu comme prince de Lampedusa, Alexandra, dite Licy, son épouse devant Dieu, et son cousin Lucio. Le premier, on le sait, a écrit un roman culte, Le Guépard, offrant à Visconti l’occasion d’un chefd’oeuvre et à Delon son grand rôle ; la deuxième, formée à l’institut psychanalytique de Berlin, passa sa vie à soulager les névroses en tous genres, tandis que Lucio Piccolo, grand poète de son état, n’eut de cesse de « cueillir la muse au vol » quand il ne traquait pas les ectoplasmes et les gnomes dans les innombrables pièces de sa villa donnant sur la mer Tyrrhénienne. Le Baron magique, selon ses contemporains, aujourd’hui oublié, du moins de Wikipédia. Une injustice que Patrick Reumaux, amateur de raretés, corrige dans un savoureux récit qu’on ne saurait trop conseiller en cette période morose. Des ruelles de Syracuse, où l’espace d’un éclair, les siècles passent, aux palais palermitains, entre fous d’excellente compagnie, on y fera provision d’une denrée rare : la fantaisie.