FAUT-IL ABROGER LE CONCORDAT EN ALSACE-MOSELLE ?
Selon un sondage, commandé par le Grand Orient de France à l’institut Ifop, 52 % des Alsaciens et Mosellans et 78 % des Français seraient favorables à l’abrogation du concordat qui autorise le financement des cultes par les collectivités territoriales dans trois départements français.
“La loi de 1905 doit s’appliquer partout sur le territoire. Plus rien ne justifie le maintien de ce particularisme inégalitaire et antilaïque”
Alexis Corbière, député la France insoumise
En demandant l’abrogation du concordat, qui régit encore les cultes en Alsace et dans le département de la Moselle, je ne fais qu’appeler au respect de la loi de 1905. Une loi de concorde et d’équilibre qui a instauré la séparation de l’église et de l’état, la fin du financement public des cultes et gravé dans le marbre le principe de la laïcité. il est tout simplement contraire au droit républicain que trois départements français métropolitains dans lesquels habitent trois millions de nos concitoyens, soit près de 5 % de la population, n’appliquent toujours pas la même législation que l’ensemble du territoire national. bien entendu, je comprends l’importance de l’Histoire et le poids du traumatisme de l’annexion après la guerre de 1870 et la défaite de 1871. C’est un sujet sensible. Mais ces évènements datent bientôt de plus de cent cinquante ans. Entre-temps, le monde a changé et je crois que tous les Français l’ont bien compris. D’autant plus que, localement, ce système ne fait plus l’unanimité. si l’on croit les chiffres du sondage publié début avril : 52 % des Alsaciens et Mosellans eux-mêmes et 78 % des Français sont favorables à l’idée de l’abroger. Aujourd’hui, la question du concordat est une question nationale, puisque tous les contribuables français dépensent, généralement sans le savoir, près de 60 millions d’euros chaque année pour assurer salaires et logements des prêtres, pasteurs et rabbins. Plus rien ne justifie le maintien de ce particularisme inégalitaire et antilaïque.
“Le concordat n’est qu’une composante du droit local et sa remise en cause aurait des conséquences très profondes” Francis Messner, spécialiste du droit des religions et directeur de recherche au Cnrs
Le régime concordataire, entré en vigueur en France avec la loi du 8 avril 1802 et maintenu après la guerre franco-allemande de 1870, est resté applicable aujourd’hui dans les trois départements du Haut-rhin, du bas-rhin et de la Moselle. Les « cultes statutaires reconnus » (catholique, réformé, luthérien et juif) y sont donc régis par des statuts spécifiques relevant du droit public et définissant « un ensemble de droits et obligations qui organisent le régime juridique des institutions de ces cultes, de leurs bâtiments cultuels et de leurs agents ». L’exercice du culte en AlsaceMoselle qualifié de service public par le Conseil d’état ne concerne pas les religions « non reconnues », comme l’islam ou le bouddhisme. Mais la remise en cause du régime des cultes reconnus aurait des conséquences importantes. Quel serait son impact, par exemple, sur l’entretien des bâtiments cultuels, l’enseignement religieux à l’école, les facultés de théologie ou encore les aumôneries ? Car le concordat est une composante du droit local dont les spécificités juridiques pèsent sur les autres aspects du droit local, comme le régime complémentaire d’assurance-maladie et les jours fériés du Vendredi saint et de la saint-étienne, le 26 décembre. Des exceptions auxquelles sont très attachés les habitants. il serait donc sage de nuancer les chiffres avancés par le sondage commandé par le Grand Orient de France, qui intervient dans le contexte bien spécifique de la polémique autour du financement de 2,5 millions d’euros pour la construction de la mosquée Eyyub sultan. Un projet porté par l’association Millî Görüs, qui n’a pas signé la charte des principes de l’islam de France.