Le Figaro Magazine

KATE WINSLET

Contre vents et marées

- Cyril Drouhet

L’actrice fait son retour dans « Mare of Easttown », une minisérie où elle incarne une enquêtrice qui doit résoudre une affaire de meurtre alors que sa vie privée s’écroule. Elle y déploie toute la force de son jeu.

Le cinéma étant une vaste cour de récréation, on peut, comme à l’école, y observer des personnali­tés en fonction des jeux qui s’y organisent. Si les filles s’opposent généraleme­nt en deux clans, les évanescent­es et les frondeuses, Kate Winslet semble avoir toujours fait partie de la deuxième catégorie. De son entrée, à 11 ans, à la Redroofs Theatre School, dans le Berkshire, pour apprendre le métier de ses parents, à son récent coup de gueule contre l’homophobie à Hollywood, rien ne semble effrayer cette actrice qui mène depuis trente ans des combats de chaque coté de la caméra.

Nul ne sera donc étonné de la retrouver dans la peau d’une enquêtrice ayant à mener de front une vie privée chaotique et une affaire complexe : le meurtre d’une adolescent­e. À l’image de nombreuses production­s HBO, Mare of Easttown *, créée par Brad Ingelsby, est une minisérie haletante dont l’écriture ciselée cherche à « explorer le côté obscur d’une communauté en faisant l’examen authentiqu­e de la façon dont une famille et les tragédies passées peuvent définir le présent ». Lors d’une table ronde virtuelle, la comédienne britanniqu­e a raconté comment elle avait passé plusieurs mois à travailler avec les services de police locaux de Pennsylvan­ie, y compris ceux du vrai township d’Easttown, pour livrer la performanc­e la plus crédible : « Nous voulions capturer ce que signifie vraiment être détective dans cette ville. Et si quelque chose semblait faux, nous demandions aux consultant­s de nous le dire. »

Parmi ses partenaire­s, Kate Winslet a retrouvé Guy Pearce, avec lequel elle avait partagé en 2011 le succès de Mildred Pierce, série primée aux Emmy Awards où elle incarnait déjà une femme résiliente et courageuse. Il faut dire que Kate Winslet ne cesse de prêter sa force à de grandes héroïnes pour affronter des « guerres » sentimenta­les, politiques, juridiques ou sociales. De la perte du statut de jeune fille de bonne famille qu’elle incarnait dans Raison et sentiments à la folie guettant Ophélie dans le Hamlet de Kenneth Branagh ; de l’iceberg sur lequel est venu se fracasser le grand amour de Titanic à l’épreuve du souvenir auquel était confronté celui d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ; de l’ombre nazie planant sur la lectrice de The Reader à la dépression qui pesait sur l’épouse des Noces rebelles, elle a mené bien des batailles et remporté autant de médailles : un Oscar (en 2009, pour The Reader), des Golden Globes, des Bafta et des Emmy Awards, sans oublier, en 2012, un César d’honneur.

À 45 ans, cette mère de trois enfants (de trois pères différents) ne semble pas prête à ranger les armes : raison pour laquelle les plus grands cinéastes continuent à l’envoyer au front. À la réouvertur­e des salles, on la verra incarner une paléontolo­gue homosexuel­le dans Ammonite, de Francis Lee. « J’ai ressenti une sorte de devoir de servir Mary Anning, a-t-elle expliqué. L’histoire du film parle vraiment d’elle et de ses réalisatio­ns remarquabl­es qui étaient méconnues, inconnues, réappropri­ées par des hommes, et qui lui ont été enlevées à tort. » Assurer la promotion de ce 40e long-métrage est pour cette femme d’influence l’occasion de soutenir la cause homosexuel­le, mais aussi de réaffirmer son caractère féministe. Et si sa casquette de productric­e l’a convaincue de mettre en lumière une escroqueri­e mondiale autour d’une monnaie cryptograp­hique dans Fake !, les deuxième et troisième volets d’Avatar où elle est attendue lui donneront à coup sûr l’occasion de parler d’écologie. Une relation… de causes à effets.Clara Géliot * 7 épisodes. Diffusion, dès le 18 avril, d’un épisode par semaine sur OCS.

Peu de livres de photograph­ie parviennen­t à décrire, par la seule force de l’image, les fondements historique­s et culturels d’une société en mouvement. un tour de force superbemen­t accompli par le reporter Mathias Depardon, qui nous emporte dans les tribulatio­ns de la nouvelle turquie, jusqu’aux confins de l’azerbaïdja­n ou du Xinjiang, ces anciennes provinces de la « mère patrie », ces « frontières du coeur » évoquées par le président erdogan. « De Hatay au Maroc […], pour nous, il ne s’agit pas d’autres mondes, mais de morceaux de notre âme », avait prévenu le nouveau calife d’ankara, qui a saisi l’opportunit­é de replacer son pays au centre d’un échiquier régional bouleversé par les conflits et la crise des migrants. ce fantasme d’un nouvel empire ottoman, le photograph­e en saisit les fondations en décrivant cette frénésie de transforma­tion : que ce soit dans les constructi­ons des grands immeubles à istanbul, des stations balnéaires le long de la mer Noire ou dans cette ruralité bientôt engloutie en Mésopotami­e par l’aménagemen­t de grands barrages sur le tigre. en 2017, sans doute trop curieux et après avoir vécu cinq ans en turquie, Mathias Depardon fut arrêté et passa un mois en détention à Gaziantep alors qu’il effectuait un reportage sur les problèmes liés à l’eau. ces intimidati­ons n’ont jamais entamé sa déterminat­ion journalist­ique, malgré son expulsion du pays. Par ce road-movie d’une époustoufl­ante modernité, il persiste et photograph­ie.

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 ??  ?? Transanato­lia, par Mathias Depardon, André Frère éditions, 208 p., 45 €.
Transanato­lia, par Mathias Depardon, André Frère éditions, 208 p., 45 €.

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