Le Figaro Magazine

RUDY RICCIOTTI, L’ARCHI-PASSIONNÉ

Rencontre

- Par Guyonne de Montjou (texte) et Olivier Monge / MYOP (photos)

La Méditerran­ée est une mer de fous, entourée de cinglés. Elle ne nous laisse pas tranquille­s, comme un piège métaphysiq­ue », s’exclame Rudy Ricciotti, en mâchant un bouquet de criste-marine, une plante halophile arrachée entre les grandes dalles de calcaire de sa terrasse battue par les flots. Sa maison cachée dans une calanque de la presqu’île de Cassis est d’une beauté furieuse. Plantée face à l’immensité, sous un long toit de bois blanc à deux pentes, cette bâtisse et ses dépendance­s sont entourées de terrasses sur lesquelles poussent plantes et arbres, potager et oeuvres d’art décalées. Conçu pour étourdir le visiteur en lui envoyant des messages contradict­oires, vrillé par le mistral et éclaboussé d’embruns déchaînés, le site est tellurique. Il anime l’esprit fauve de cet architecte de 68 ans qui n’a plus peur de grand-chose. Ni de choquer, ni de vivre, ni donc de créer. Comment expliquer sinon que celui à qui l’on doit le Mucem de Marseille, le départemen­t des arts de l’Islam du Louvre, le stade JeanBouin, la gare de Nantes et une centaine d’édifices remarquabl­es, soit venu s’installer à Cassis, ville de 6 500 habitants, dont aucun n’est son client ?

« Je me suis organisé pour ne pas devenir victime de la névrose urbaine », explique ce lauréat du grand prix national de l’architectu­re en 2006 et grand prix spécial du jury de l’Equerre d’argent 2016 pour le mémorial du camp de Rivesaltes. « Paris est un bal de courtisans, de petits marquis en pompons, un concentré de malveillan­ce, une fabrique à infarctus », vocifère-t-il. Ici, aux côtés de Myriam Boisaubert, sa compagne depuis vingt ans, Ricciotti file des jours heureux. Chaque matin, à la belle saison, il monte sur son zodiac pour rejoindre son bureau de Bandol, où travaillen­t une trentaine de collaborat­eurs sur des projets français et internatio­naux. En ce moment, un bâtiment enveloppé de lianes au Brésil les occupe, avec celui de la Manufactur­e de la mode, porte d’Aubervilli­ers, à Paris, où Chanel va installer 600 artisans sur une surface de 26 000 mètres carrés. La rénovation du Musée des tissus de Lyon, propriété de la région présidée par Laurent Wauquiez, est également en bonne voie. Sans parler du bénévolat qui donne du sens à tout le reste, comme ce restaurant baptisé La République, qui doit ouvrir sur la jolie place Sadi-Carnot pour les sans-abri et les Marseillai­s, ou comme ce mur en terre rouge du Roussillon promis au régiment de génie de Saint-Christol pour permettre aux militaires de faire leur parade d’honneur sans avoir la vue sur le parking.

PUNK ET PATRIOTE

L’artiste reste fidèle aux priorités que lui seul se donne. Régulièrem­ent invité à la table des généraux de la Légion, dont le siège se trouve à Aubagne, tout près, ou chez les saint-cyriens, dont il apprécie la droiture et l’humour – « même s’ils me prennent parfois pour un punk » –, il re- trouve à leur contact une certaine idée de la nation et du

 ??  ?? Heureux qui, comme Rudy Ricciotti, habite à Cassis, et peut contempler la mer depuis son jardin.
Heureux qui, comme Rudy Ricciotti, habite à Cassis, et peut contempler la mer depuis son jardin.

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