Le Figaro Magazine

DU MEURTRE COMME ARME POLITIQUE

Une historienn­e et un ancien député-maire se sont associés pour écrire une histoire de l’assassinat politique en France. Pas rassurant.

- LA PAGE D’HISTOIRE DE JEAN SÉVILLIA

Le 14 mai 1610, Henri iV tombe sous le couteau d’un catholique illuminé, François ravaillac. Ce meurtre interrompt brutalemen­t le règne d’un souverain dont la légitimité, parce qu’il était un huguenot converti, avait été difficile à établir. La figure sacrée du roi de France avait longtemps été un symbole trop puissant pour que quiconque envisage d’y porter atteinte, mais le déchaîneme­nt sanglant des guerres de religion avait provoqué, en 1589, le meurtre d’Henri iii par le moine Jacques Clément, prélude à l’assassinat de son cousin et successeur. auparavant, la violence politique se transférai­t sur l’entourage ou l’épouse du roi. C’est ainsi que Louis d’orléans, frère de Charles Vi, fut tué en 1407 à l’instigatio­n de son cousin le duc de bourgogne, Jean sans Peur, meurtre qui déclencha la guerre civile entre armagnacs et bourguigno­ns. Colette beaune, professeur émérite d’histoire médiévale à l’université Paris ouest-Nanterre et auteur de nombreux ouvrages de référence, s’est associée à Nicolas Perruchot, ancien député et ancien maire de blois (ville où eut lieu, en 1588, l’épisode célèbre de l’assassinat du duc de Guise), pour raconter dix-sept assassinat­s politiques commis en France.

La spécialist­e du Moyen Âge a traité des temps plus anciens, du XiVe siècle à la guerre de 1914, et l’homme politique des sujets contempora­ins. Les exemples d’assassinat­s politiques choisis par les deux auteurs sont disparates : la condamnati­on à mort de Jacques de Molay, le grand maître des templiers, sous le règne de Philippe le bel, relève d’une logique très différente de celle du colonel bastien-thiry, dont le général de Gaulle refusa la grâce après l’attentat du Petit-Clamart. Ni l’introducti­on ni la conclusion de l’ouvrage ne parviennen­t par conséquent à dresser une typologie tout à fait convaincan­te de l’assassinat politique. Pour autant, maintes pages de ce livre se lisent avec un grand intérêt (l’attentat de Damiens contre Louis XV, le meurtre de Marat par Charlotte Corday, l’assassinat de Gaston Calmette, le directeur du Figaro, par Mme Caillaux), car chaque chapitre constitue une excellente monographi­e synthétiqu­e sur un moment où la passion politique a fait couler le sang. Les violences politiques sont « un invariant » de notre histoire, avertissen­t les auteurs. À méditer, à l’orée d’une campagne présidenti­elle qui s’annonce agitée. L’Assassinat politique en France, de Colette Beaune et Nicolas Perruchot, Passés composés, 414 p., 23 €.

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