Le Figaro Magazine

RENÉ FALLET À NU

★★★★ Journal de 5 à 7, de René Fallet, Les Équateurs, 461 p., 21 €. Préface de Philibert Humm.

- LE MARQUE-PAGE DE NICOLAS UNGEMUTH

Après trois Carnets de jeunesse, voici qu’apparaît un quatrième volume du Journal de René Fallet, couvrant la grande période de sa carrière, de 1962 à 1981. C’est un trésor exhumé. Le grand écrivain populaire, tellement fin, se raconte. Il est ébahi par le beau film d’Agnès Varda, Cléo de 5 à 7. Il évoque ses copains, Albert Vidalie, Michel Audiard, Alphonse Boudard, Antoine Blondin et son frère, Georges Brassens, qui revient fréquemmen­t : l’amitié de ces deux anars était indéfectib­le. Mais surtout, Fallet parle de littératur­e.

Il dézingue évidemment le nouveau roman, se paye Matzneff le temps d’une page hilarante, et s’attarde sur ses amours littéraire­s : Stendhal, Hemingway, Renard – à qui il fait souvent penser par son sens de la formule très aiguisé –, Blondin encore, Baudelaire, Rimbaud et Verlaine. Puis, on le voit découvrir en direct le Journal littéraire de Léautaud, qui le subjugue. Lire un écrivain détaillant dans son Journal celui d’un autre est jouissif, surtout lorsque c’est Fallet qui en parle : son intelligen­ce étincelle, Léautaud restera sa boussole toute sa vie. Une vie qui, malgré ses succès à répétition et une aisance financière dont peu d’écrivains disposent, n’est pas joyeuse. Très tôt, il se sent vieux, une sourde mélancolie s’installe et ne cesse de gonfler avant de déborder. Il y a les coucheries, l’alcool, le Palfium cinq fois plus puissant que la morphine, les amours fichues, les amis qui disparaiss­ent, la santé envolée. La fin du Journal est poignante. Fallet ne cesse de marteler qu’un écrivain ne doit jamais être ennuyeux. En ce qui le concerne, la question ne se pose pas.

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