L’OMBRe eNTÊTaNTe D’aLeXaNDRie
A★★★★ L’Infini dans un roseau, d’Irene Vallejo,
Les Belles Lettres, 560 p., 23,50 €. Traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet. u IIIe siècle avant notre ère, la construction de la bibliothèque d’Alexandrie exauçait un des plus vieux rêves de l’humanité : rassembler tout le savoir des civilisations égyptienne, perse, hébraïque, chaldéenne…, consigné sur des tablettes d’argile et du papyrus. Ptolémée Sôter, ancien général d’Alexandre devenu maître de l’Égypte, fut l’instigateur de ce projet fou, et Démétrios de Phalère, son intendant aristotélicien. Las, cette « citadelle de livres » sera la proie des flammes, à une date d’ailleurs toujours pas fixée avec certitude. De cette aventure démesurée à l’échelle du monde alors connu, demeura pour plusieurs siècles encore, une « globalisation primitive » : l’hellénisme. Cette civilisation fut en effet dispensée de l’Anatolie au Pendjab, de la Libye à l’Iran, où l’on chantait à l’unisson les tragédies de Sophocle. Irene Vallejo débute le récit de « l’invention des livres dans l’Antiquité » en partant de ce rêve brisé, mais jamais abandonné. Nourrie de culture et de philologie classiques, déjà romancière et auteure de livres pour enfants, la quadragénaire espagnole déploie un époustouflant talent de conteuse au long cours dans cette histoire marathon. L’air de rien, elle passe de Cicéron à Borges, de Taxi Driver
à Démosthène, du codex au Kindle, de son apprentissage de la lecture comme de son expérience d’enseignante. Elle alterne avec panache pans d’Histoire et anecdotes.
Cet hommage au « livre à feuilles »,
à la pérennité duquel elle croit ferme, a fait un tabac en espagnol
(300 000 exemplaires vendus), et il est déjà en voie de traduction dans une vingtaine de langues. El Pais parle d’un
« phénomène » et Mario Vargas Llosa,
« chef-d’oeuvre ». Que dire de plus ?