Sous les pavés, le métro !

★★★ Paris sous la terre, de Solange Bied-Charreton, Éditions du Rocher, 186 p., 15,90 €.

Le ventre de Paris a disparu, mais ses entrailles sont bien vivantes et ne désemplissent pas. Léon-Paul Fargue sillonnait la capitale à pied, Solange BiedCharreton emprunte le métro, qu’elle aime tant. Elle consigne ici ses pérégrinations, quadrillant la ville par en dessous, sans jamais oublier ce qu’il se passe au-dessus. C’est un livre poétique, intelligent, superbe, où se mélangent Histoire et réflexions, car, comme le précise l’auteur, c’est toute l’humanité qui emprunte ses wagons et ses couloirs. Roms, cadres supérieurs, SDF, vieux, jeunes, enfants, Noirs,

Blancs, Jaunes, Parisiens, touristes, les populations ne sont pas les mêmes en fonction de l’heure et du quartier. Elle décrit tout cela avec tendresse et une plume impressionnante. Les publicités sont des « divinités particulières, interchangeables et renouvelées chaque semaine », « demeurer humain dans le métro : ce serait peut-être croiser le moins d’humains possible. Plus la rame sera pleine, plus l’humain diminuera ». Étrange paradoxe : comment aimer cette foule compressée, cette promiscuité cauchemardesque ? Solange BiedCharreton n’en a cure, elle observe, réfléchit. Comme les bons photographes, elle repère et fige ce que tout le monde voit sans le remarquer. Son voyage dans la ligne 6, aérienne, est magnifique. Sa description de l’ancien quartier des Halles aussi :

« N’est-ce pas ce qui définit le mieux Châtelet-Les-Halles, cet état de sabotage permanent des mémoires, ce mélange sans dessein, un vertige anarchique au ventre de Paris, ses viscères tourmentés ? » À ranger entre Fargue, Giraud et Hazan. Il y a pire compagnie.