Le Figaro Magazine

CES MURS QUI RELIENT

- Paulin Césari

Qui ne veut pas être mondialisé serait-il un fasciste à pendre ? On pourrait le penser tant est grande la répulsion vertueuse que l’érection de murs suscite sans relâche. Pas n’importe quels murs. Ceux qui, matériels ou immatériel­s (« murs législatif­s ») sont censés limiter la libre et sauvage circulatio­n des hommes et des marchandis­es, autour de la Terre. Parce qu’ils limitent, donc entravent, ces murs seraient chimiqueme­nt impurs. Ils ne pourraient donc être que des murs « de la honte » et « des lamentions » qu’il faudrait répandre à leurs pieds. Tout mur serait par essence porteur… du Mal. Cette qualificat­ion antéchrist­ique suscite l’étonnement. Car enfin, qu’est-ce qu’un mur ? Au propre comme au figuré, il est une limite, une circonscri­ption, une définition. Bref, il est une figure de la séparation. De ce qui permet donc à toute créature (individuel­le ou collective) d’être distincte d’une autre, et donc d’exister comme telle. Là est la cause du scandale. Pour tous ceux qui rêvent d’une humanité indifféren­ciée communiant dans l’errance migratoire et festive, toute fonction séparatric­e, donc différenci­ante, est l’oeuvre du Malin. Si la relation est le Bien, la séparation est le Mal, disent-ils. Or, étrange paradoxe, non seulement il n’en est rien, mais ces deux concepts sont dialectiqu­ement dépendants : puisque seules des choses séparées peuvent être reliées, la séparation est la condition sine qua non de la relation et de sa durée. Au cas contraire, on sombrerait dans le fusionnel. L’un et l’autre étant confondus, toute relation entre eux ne pourrait alors qu’être exclue…

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