JULIETTE ARMANET Le feu et la grâce
La jeune pianiste sort un nouvel album, « Brûler le feu », après le succès de « Petite amie » (200 000 exemplaires vendus). Un disque convaincant et inattendu, qui reflète son tempérament singulier.
La musique dans les veines. Alors qu’elle était réalisatrice pour Arte, la jeune Juliette Armanet emportait toujours avec elle un clavier durant ses déplacements. Née dans une famille de mélomanes, elle se réfugiait volontiers dans une bulle pour assouvir sa passion sans envisager de plan de carrière. Des mélodies naissaient, sur lesquelles l’apprentie artiste plaquait des formules soigneusement notées dans un petit carnet. Discrète, Juliette Armanet ? Les non-initiés pourraient le croire. C’est loin des paillettes qu’elle mène son chemin, en dépit du succès de son premier album (Petite amie, vendu à 200 000 exemplaires et récompensé par une Victoire de la musique en 2018 dans la catégorie Révélation). Loin, aussi, des polémiques qui agitent les réseaux sociaux. Et pourtant, la pianiste est loin de posséder une personnalité lisse ou attendue. En attestent son solide sens de l’humour et sa façon d’évoquer son métier, où elle s’impose comme l’une des meilleures ambassadrices françaises du moment.
Pour se convaincre encore de sa singularité, il suffit d’observer l’énergie qu’elle déploie lors de ses concerts qui bluffent son auditoire depuis ses premières prestations dans des cabarets. De la même façon, il faut plonger dans ses compositions teintées d’une folie à la fois délicate et dansante. Son nouveau disque Brûler le feu, réalisé par des collaborateurs de Daft Punk, Lana Del Rey ou Phoenix, traduit bien le caractère passionné de l’ensemble et le tempérament entier de son auteur. Comme si la demi-mesure n’existait pas chez celle qui sait si bien concocter de la chanson française exigeante. « Cette fois-ci, je me suis laissé les coudées franches en m’autorisant toutes les libertés, explique la musicienne. J’étais comme habitée. J’ai écrit quelque 80 morceaux durant la période récente, seule devant mon piano. »
“MélancoliE fEstivE”
Le lieu où elle reçoit Le Fig Mag ressemble à son image : plein de fantaisie. Dans ce café situé sur le quai de la Loire (19e arrondissement de Paris), où chaque pièce d’une maison traditionnelle a été transformée en espace de restaurant (y compris la salle de bains), elle évoque avec un large sourire sa « mélancolie festive ». Cette admiratrice de Michel Berger est intarissable sur ses sources d’inspiration. Un processus créatif où l’on note toujours une part savoureuse de décalage. Exemple : le titre L’Épine, sur lequel cette jeune mère de famille mélange à l’envi les genres sur des textes tout sauf suaves. « Une love song très soul, qui évoque autant les ballades seventies que les pop tracks des années 1990, et qui donne à voir un autre visage, slow enflammé, de l’album », souligne-t-elle à propos de cet « hymne intime dédié à nos fidèles blessures, qu’on finit toujours par apprivoiser ». À savourer aussi : son single Le Dernier Jour du disco, où elle fait rimer joliment les mots : « Le dernier jour du disco/Je veux le passer sur ta peau/À rougir comme un coquelicot. » Un style vintage, rafraîchissant…
Juliette Armanet a longtemps cherché sa voie (et sa voix) avant de se hisser dans la lumière. De ses « anciennes vies », elle conserve des souvenirs intacts. Y compris de son expérience au sein de la chaîne NRJ 12 dans un magazine dédié… aux affaires criminelles ! Auteur d’un documentaire intitulé Éloge de la jupe, cette fine observatrice de l’actualité n’exclut pas de revenir un jour à ses premières amours. Voire de se lancer dans une carrière cinématographique – elle a jadis pris des cours de théâtre et fait des apparitions dans des films. Pour l’heure, elle s’apprête surtout à démarrer sa tournée (« Mon territoire absolu ») qui la verra notamment se produire à l’Olympia (les 16 et 17 février 2022). Entre feu et grâce.