UN GRAND MOMENT D’HISTOIRE
La Révolution fut une tragédie et la raconter sous cette forme-là est la trouvaille géniale de Maxime d’Aboville dans son nouveau et époustouflant spectacle *. Faisant suite à ses deux premières formidables leçons d’histoire où il enfilait sa blouse d’instituteur, le comédien propose, seul en scène, un récit incarné des années 1789-1794 en s’appuyant, comme auparavant, sur les textes (aux qualités parfois plus littéraires que rigoureusement scientifiques) laissés par les grands auteurs. À commencer par Michelet, abondamment, et à juste titre, utilisé pour prendre la Bastille, marcher avec les femmes sur Versailles, sauver la France à Valmy, condamner Louis XVI et assassiner Marat. Mais Dumas, Hugo et Lamartine sont également des piliers de l’histoire d’Abovillienne. Le lyrisme et l’empathie sont en général au rendez-vous. Les formules de choc aussi. Véritablement habité par ses sujets (qu’ils fussent Girondins ou Montagnards), multipliant les ruptures de rythme dans une mise en scène à la fois sobre et très inventive, passant de l’envolée au chuchotement (pour dire la souffrance du peuple vendéen terré dans ses chaumières pour échapper aux exterminateurs Bleus), le comédien vit autant qu’il joue les heures sombres de la Révolution. Dans la petite salle du Poche, les murs tremblent parfois, quand ils ne pleurent pas. Un moment rare.
Jean-Christophe Buisson * La Révolution, de et par Maxime d’aboville, mise en scène de damien Bricoteaux, poche-Montparnasse, paris 6e.