GUILLAUME MUSSO : LE TALENT D’ACHILLE
Il paraît que le dernier Guillaume Musso est mieux que d’habitude. Euh… en fait, non.
En exergue de son nouveau roman, Guillaume Musso cite Camus, simenon ou Gary, pour tenter de faire oublier son talent d’achille. C’est quoi, le talent d’achille ? C’est de ne pas en avoir. et pourtant il suffirait d’une phrase. On n’en demande pas beaucoup : une seule phrase, sur 400 pages. une phrase nouvelle, qui vise juste, qui touche et saisit. tenez, par exemple : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » Celle-ci n’est pas de lui. C’est le début d’Aurélien d’aragon, où Musso a chipé l’intrigue de son polar. une phrase, bon sang, c’est si difficile quand on écrit un roman ? Ou bien, allez, ne soyons pas si exigeants, on aurait aimé trouver une observation nouvelle. une unique remarque pertinente. Je l’ai cherchée dans L’Inconnue de la Seine. Parfois il y a un paragraphe qui commence bien : « La pièce était glaciale », mais il finit mal : « Le long d’une cheminée en pierre couraient les brûleurs d’une cheminée au gaz. » J’ai vu quelques cheminées au gaz dans ma vie mais jamais je n’ai vu de brûleurs courir. Page 231, j’ai failli être épaté par : « Il n’était pas 16 heures, mais le soleil s’était déjà fait la malle » mais non, finalement, c’est moins bien que : « Ô soleil qui guérit la vue troublée » (de Dante).
M. Musso a certainement un don pour construire des histoires policières efficaces, sans excès d’originalité (le lecteur risquerait d’être dérouté). ici il recycle un fait divers datant de 1880. On repêche une jolie blonde à poil dans la seine. elle se nomme Milena bergman, c’est une pianiste allemande. elle a perdu la mémoire et s’échappe de l’hôpital. sa photo est page 77 : cela évite d’avoir le talent de la décrire. ah j’oubliais : elle est morte dans un crash aérien un an plus tôt. Musso a dû lire L’Anomalie d’Hervé Le tellier. On peut situer l’imaginaire de Musso à mi-chemin entre Gaston Leroux et Hervé Le tellier. Mais eux, ils savent écrire. Musso écrit sans écrire ; c’est le Paganini de la banalité. C’est très frustrant, un écrivain sans phrases. À sa décharge, ils sont nombreux dans ce cas. Les auteurs fiers de ne pas être littéraires, les romanciers sans ambition formelle, les storytellers audiovisuels ou les disciples du Prozac, dispensateurs de bienveillance aux ménagères en détresse, représentent 90 % de la liste des meilleures ventes de la Fnac. Guillaume Musso est peut-être un disciple de Perec, qui avait réussi, dans La Disparition, à rédiger un roman entier sans la lettre « e ». L’Inconnue de la Seine, c’est un roman entier sans littérature. et si l’inconnue dans la seine, c’était elle ? L’inconnue de la Seine, de Guillaume Musso, Calmann-Lévy, 408 p., 0 phrase, 21,90 €.