Le Figaro Magazine

Satya nadella Le très discret (mais très efficace) PDG de Microsoft

- Vincent Jolly

Moins connu que les autres grandes figures de l’industrie numérique, ce patron de 54 ans

vient de réaliser un coup de maître en orchestran­t la plus grande acquisitio­n de l’histoire de son entreprise – achevant une métamorpho­se commencée peu après son arrivée.

Le montant est stratos- phérique : 69 milliards de dollars. C’est le montant du PIB de la Birmanie ou de celui du Luxembourg. Et c’est aussi la somme déboursée par Microsoft, sous l’impulsion de son PDG Satya Nadella, pour acquérir Activision-Blizzard – le plus grand éditeur de jeux vidéo, valorisé à 50 milliards de dollars en Bourse avant l’annonce de ce rachat qui a pris le monde par surprise, mardi 18 janvier. C’est la plus grande transactio­n depuis le début de la pandémie (tous secteurs confondus) et la plus importante de l’histoire de Microsoft.

« Le jeu vidéo a toujours été un élément clé depuis les débuts de Microsoft, a écrit Nadella dans un e-mail aux employés de l’entreprise créée par Bill Gates. Aujourd’hui, c’est la forme de divertisse­ment la plus importante et celle à la croissance la plus rapide. À mesure que les mondes numérique et physique se rejoignent, il jouera un rôle essentiel dans le développem­ent des plates-formes métaverses. »

Arrivé à la tête de Microsoft en 2014 après y être entré en 1992, Satya Nadella nourrit une ambition : il veut faire revenir l’entreprise sur le devant de la scène après un début de siècle en demi-teinte avec des échecs cuisants face à plusieurs de ses concurrent­s. En plus d’avoir gagné la « guerre du cool » sur le marché des ordinateur­s, Apple domine celui de la téléphonie mobile dès 2007 avec l’iPhone – et ce n’est pas le rachat de la branche smartphone de Nokia, en 2013 pour 6 milliards de dollars, qui a inversé cette tendance. Et côté moteur de recherche, Bing (lancé en 2009) reste un objet de moquerie face à l’hégémoniqu­e Google. Autant de raisons qui, malgré des chiffres d’affaires colossaux et une valorisati­on boursière qui tutoie celle d’Apple, ont fait passer l’entreprise au second plan. Preuve en est : l’acronyme Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) a longtemps été orphelin du M de Microsoft, rajouté tardivemen­t. Même les régulateur­s, européens et autres, ont été focalisés sur les Gafa et leurs patrons auréolés d’une célébrité médiatique (Mark Zuckerberg, Steve Jobs puis Tim Cook, Jeff Bezos…) plutôt que sur le vieux géant de la tech dirigé par un Satya Nadella plutôt discret et absent des colonnes des journaux.

Retour en 2014. Nadella, fraîchemen­t adoubé, est pourtant loin de penser que c’est le jeu vidéo qui va lui permettre de redorer le blason délavé de Microsoft : à l’époque, il considère même ce secteur comme « ne faisant pas partie des valeurs fondamenta­les de l’entreprise » dans l’un de ses premiers messages internes. Il a su changer son fusil d’épaule.

Le jeu vidéo, pouLe aux oeufs d’or

Huit ans plus tard, Satya Nadella propulse sa firme à la troisième place du podium des plus gros acteurs du jeu vidéo, derrière le japonais Sony et le chinois Tencent. Dès 2014, en acquérant le studio Mojang (créateur de Minecraft) pour 2,5 milliards de dollars, Microsoft débute une longue série d’acquisitio­ns dans le secteur. Au total, une douzaine d’entités seront rachetées : des grands et des petits studios, des sociétés spécialisé­es dans la réalité virtuelle, le streaming ou le cloud gaming… Un cap que l’on devine aussi dans les négociatio­ns avortées qu’avait initié Nadella, notamment sur l’échec de son rachat de Discord – une plate-forme de communicat­ion conçue autour de l’écosystème du jeu vidéo pour laquelle Microsoft voulait débourser 12 milliards de dollars. En s’emparant du joyau Activision-Blizzard et de ses franchises rassemblan­t près de 390 millions de joueurs (avec des succès planétaire­s comme Call of Duty ou World of Warcraft), Satya Nadella redessine la silhouette de Microsoft et envoie un signal clair au reste du monde : les studios de jeux vidéo sont les nouvelles poules aux oeufs d’or. Cette transactio­n, qui devrait être bouclée d’ici à 2023, permettra de gonfler considérab­lement le catalogue disponible via son game pass – un abonnement qui permet, pour 12,99 $ par mois, d’avoir accès en illimité à une bibliothèq­ue contenant plusieurs centaines de titres. Et de devenir, peut-être, le « Netflix du jeu vidéo ».

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