Pouvoir de La ParoLe, ParoLe du Pouvoir
Il ne faut pas troubler les simples. La vérité leur est insupportable. Elle les pousserait à divaguer et on sait où cela mène.
Tel est le credo rarement avoué des dominants soucieux de conserver un bien qui leur est commun : le pouvoir. Ces choses-là ont été dites en termes délicats par Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFMTV : il ne faut « pas trop aller à rebours de la parole officielle puisque ce serait fragiliser un consensus social ».
Cette intervention remarquée a eu lieu lors d’un récent colloque dont le thème était « Raconter la science en temps de crise ». Cette déclaration a le mérite de la clarté : en temps de crise, la quête et l’expression de la vérité sont des vertus dangereuses, à proscrire. En temps de crise, on ne pense pas, on obéit. On se soumet à une parole unique, officielle. Conséquence paradoxale, en temps de crise, on ne peut ni on ne doit parler de la seule chose qui importe : la crise elle-même. On ne peut et on ne doit que s’agenouiller devant la « parole officielle » devenue vérité révélée afin d’éviter de préjudiciables désastres. Et, si l’on est un média vertueux, d’accepter avec grâce de n’être plus qu’un bulletin paroissial : « la voix de son maître ». Quand la carte de presse devient une carte de prêche, on entre dans le monde merveilleux de la « post-vérité » ainsi définie par le dictionnaire d’Oxford : « circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles. »