Mélanie Thierry
Instant maternel
Dans le deuxième long-métrage de Fabien Gorgeart, la comédienne campe le rôle d’une mère de famille d’accueil. Un thème fort,
porté par une comédienne au parcours éclectique et complet.
Un « vrai coup de coeur ».À la lecture du scénario de La Vraie Famille de Fabien Gorgeart, Mélanie Thierry, qui fonctionne à l’instinct, s’est aussitôt projetée dans le rôle d’Anna, une mère de deux jeunes garçons chargée de prendre sous son aile protectrice un troisième enfant au sein de sa tribu. « Je me suis très vite attachée à cette famille, unie et épanouie », confie la comédienne, césarisée en 2010 pour Le Dernier pour la route, de Philippe Godeau. Une « connexion » particulièrement perceptible à l’écran, où l’actrice distille une large palette d’émotions pour donner chair à ce personnage sur le fil du rasoir. Car une mauvaise nouvelle vient assombrir le confortable et apaisant cadre de l’aimante Anna : l’annonce par les services sociaux de son devoir d’abandonner progressivement la garde de l’écolier de 6 ans, placé chez son mari et elle depuis ses dix-huit mois, dans la perspective d’un retour chez son père. Un sujet douloureux, à la lumière des liens profonds créés par les protagonistes durant cette période de transition, résumé par cet avertissement poli et glacial de l’administration : « Aimez cet enfant, mais ne l’aimez pas trop fort. »
L’intensité dramatique de ce thème a sauté aux yeux de Mélanie Thierry, aussi à l’aise dans le registre intime que dans des fresques historiques (La Princesse de Montpensier)
ou des biopics (La Douleur). « En découvrant cette femme, chacun se demande : “Que ferais-je à sa place ? Est-ce que je la comprends ? Est-ce qu’elle ne va pas trop loin ?” C’est une situation complexe, d’autant plus que le père n’est pas une personne infréquentable. »
Félix Moati incarne cet homme apparemment reconstruit, tandis que Lyes Salem campe le mari et Gabriel
Pavie le jeune Simon. Mention spéciale à ce quatuor qui fonctionne bien, et a le mérite de placer en pleine lumière des profils d’un grand réalisme. « Il s’agit d’une famille ancrée dans la classe moyenne, ce qui est rarement mis en avant au cinéma. Ce sont des gens ordinaires et cela m’a beaucoup plu », note Mélanie Thierry, toujours en quête de nouveaux territoires.
SOIF DE CULTURE
Le scénario du film est inspiré de la propre existence de Fabien Gorgeart, dont c’est le deuxième long-métrage après Diane a les épaules. Une histoire dans laquelle Mélanie Thierry n’a pas souhaité s’immiscer en amont en recueillant les confidences de la mère du réalisateur. « Cette idée m’embarrassait. Je n’ai pas voulu, car je me serais trouvée dans une situation qui m’aurait contrainte à être impudique. Je ne voulais pas qu’elle se sente obligée d’évoquer des émotions qu’elle avait mises sous cloche. »
La discrétion caractérise bien la jeune femme, prompte à protéger coûte que coûte sa vie familiale au côté du chanteur Raphael et de leurs deux garçons, mais toujours séduite par la perspective de s’attarder sur son art. Parmi ses rencontres les plus déterminantes au fil de sa carrière riche d’une quarantaine de films ? « D’instinct, je citerais Emmanuel Finkiel et Bertrand Tavernier, autant l’homme que le cinéaste, déclare-t-elle. Il m’a offert le rôle de la princesse de Montpensier, une héroïne comme moi assoiffée de culture. »
Une curiosité conservée, puisqu’elle se trouvera bientôt à l’affiche de L’Établi, de Mathias Gokalp, d’après le récit autobiographique du militant maoïste Robert Linhart, entré en septembre 1968 comme ouvrier chez Citroën. Encore un rôle à la hauteur de son éclectisme, qui ne fait pas oublier sa longue absence au théâtre. « Sept ans, cela me paraît très long ! Jamais je n’aurai le courage d’y remonter à cause du trac. » La modestie fait aussi partie de sa personnalité.