LE BARON TRÈS PERCHÉ
★★★ Portrait du baron d’Handrax, de Bernard Quiriny, Rivages, 170 p., 17 €.
C’est un livre comme on n’en lit plus souvent ces jours-ci : une fantaisie où l’imagination déborde de chaque page. Normal de la part de Bernard Quiriny, sans doute le plus grand héritier de Marcel Aymé. Ici, le héros part à la campagne étudier et copier les oeuvres d’un peintre oublié. Il rencontre l’un de ses descendants, Archibald d’Handrax, baron de son état. Ce n’est rien de dire que l’homme est excentrique. Bigame, il vit dans sa vaste demeure avec deux femmes et quatre enfants. Il a acheté une quarantaine de vieilles maisons restées dans leur jus, dans lesquelles il va régulièrement passer quelques jours car « c’est le moyen le moins cher pour voyager dans le temps ».
Il organise des « dîners de têtes »
avec des sosies qu’il a repérés : il y a ceux de Nietzsche, son héros, de Sartre, qu’il déteste, de Freud, de Clemenceau, de Churchill, de Descartes, etc. De temps à autre, il va dormir dans un pensionnat, au milieu des élèves. Car « il ne faut jamais perdre une occasion de retomber en enfance. Séjourner dans l’enfance conserve la santé ; je m’y octroie souvent des congés. »
Le jeune homme est fasciné et fréquente quasi quotidiennement ce personnage singulier, jusqu’à sa disparition. Il ne se passe rien d’autre, mais Quiriny a poussé le vice jusqu’à publier en parallèle les Carnets secrets du baron (Rivages), dont il a rédigé la préface : « Un recueil des pensées de cet excentrique baron, seul ouvrage qu’il ait terminé. Il contient des anecdotes et des aphorismes dans lesquels A. d’Handrax retourne les évidences et laisse libre cours à son sarcasme. » De quoi prolonger le plaisir.