Le Figaro Magazine

JEAN-LUC COATALEM LE POÈTE DE L’AILLEURS

Formé à l’école du voyage, l’écrivain publie un polar burlesque dont l’action se déroule au coeur de la bretagne qui est, comme chacun sait, aussi exotique que les îles du Pacifique.

- LES RENDEZ-VOUS DE J-R VAN DER PLAETSEN

I“Gauguin rêva ici à ses embarqueme­nts, Java, le Tonkin, Madagascar, enfin

Tahiti, cet Ailleurs qui le hantait plus que les autres”

Le Grand JabadaO,

de Jean-Luc Coatalem, Le dilettante, 192 p., 17 €.

l y a des patronymes qui sont des cartes d’identité. Ainsi de Jean-Luc Coatalem, dont l’arbre généalogiq­ue plonge ses racines dans la bretagne profonde, mais aussi dans cette France éternelle qui communie avec la mystique du drapeau. À croire que les membres de sa famille n’ont jamais connu le mal du pays, mais la mélancolie de l’ailleurs : un grand-père ancien de la Coloniale en indochine, un oncle légionnair­e en Algérie, un père officier ayant servi dans le Pacifique, un frère qui s’évade par la contemplat­ion des oeuvres de Chardin, Delacroix ou Fragonard – sans oublier notre homme, qui s’embarque sur un cargo comme d’autres prennent le métro.

Les années ont passé depuis la parution, il y a une trentaine d’années, de Capitaine, premier roman de cet écrivain marqué par rimbaud, Cendrars et simenon plus que par sartre, nimier ou Angot. Entretemps, cet écumeur de latitudes, ce flâneur des parallèles, ce resquilleu­r de frontières est devenu l’un des meilleurs auteurs de sa génération, avec une vingtaine de titres à son actif, à l’aise dans tous les genres : romans, nouvelles, récits de voyage, satires ou comédies. son dernier livre, qui porte le nom d’une danse bretonne endiablée, reprend les codes du polar, mais dans une version burlesque. il y est question d’un tableau ignoré de tous, signé Gauguin et inspiré de L’Origine du monde de son ami Courbet, qui resurgit dans la rade de brest. C’est le prétexte à une formidable descriptio­n, pleine de poésie, d’une sarabande d’experts, d’aigrefins, de personnage­s cocasses ou dégénérés, appâtés par la perspectiv­e d’une bonne fortune. « Ce que Gauguin, peintre de l’ailleurs, nous apprend, dit Coatalem, c’est que le réel ne suffit pas : il faut le rêve ou l’imaginaire en plus. » Mais Le Grand Jabadao n’est pas qu’une comédie armoricain­e : c’est aussi une réflexion profonde sur l’art, où le vrai, le faux, la copie s’entremêlen­t et font perdre la tête.

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La phrase du livre à retenir (p. 31)

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