Le Figaro Magazine

TOTEMS, espions malgré eux

Située dans les années 1960, cette série d’espionnage nerveuse mêle petite et grande histoire, morale et tragédie intime, sur fond de course à l’espace. Niels Schneider, Ana Girardot et José Garcia risquent leur vie dans ce jeu de faux-semblants à couper

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Au milieu des années 1960, la détente s’amorce, mais la guerre froide est loin d’être finie. Le conflit Est-Ouest ne se déroule plus seulement en Europe ou dans les anciennes colonies, il va désormais se jouer sur un terrain bien plus vaste et éloigné : l’espace. Ultra-documentée, la série Totems nous emmène de Moscou à Berlin, dans les coulisses de cette conquête spatiale que se livrent les grandes puissances. Et si l’URSS et les

États-Unis mènent la danse, ils ne sont plus seuls.

Créé par de Gaulle, le Centre national d’études spatiales est une institutio­n qui allie militaires et scientifiq­ues et doit permettre de lancer la France dans la course à l’espace. C’est d’ailleurs là que travaille le héros de Totems, Francis Mareuil (incarné par Niels Schneider). Lorsqu’on le rencontre, cet ingénieur passionné d’astronomie est placardisé. Mais son parrain, un espion qui traite avec la CIA, lui propose un marché : s’il accepte d’approcher dans un congrès berlinois un scientifiq­ue russe pour le « retourner » et mettre la main sur son système de guidage atmosphéri­que, alors il recevra la promotion tant attendue… Du jour au lendemain, ce jeune chercheur casanier se retrouve à parcourir le monde à la poursuite d’un savant soviétique.

DES HOMMES ET DES FEMMES ORDINAIRES

L’attrait principal de Totems réside dans cette idée forte : ici les espions ne sont pas des agents surentraîn­és, mais

des hommes et des femmes ordinaires, des anonymes qui acceptent de servir leur pays pour des motifs parfois triviaux. L’ingénieur français, la pianiste russe (qui va devoir surveiller son père pour le KGB) et le physicien pacifiste sont coincés dans une vie sans relief, mais les circonstan­ces vont les précipiter vers un engrenage d’actions. Incarnés par des acteurs toujours justes (Niels Schneider tout en retenue, Vera Kolesnikov­a croisée dans Le Bureau des légendes ou José Garcia, bluffant dans un contre-emploi), les personnage­s

se croisent dans des histoires où l’intime, la morale et le tragique valsent constammen­t. Surtout ils offrent un point de vue nouveau, décalé même, sur les rouages de

l’espionnage, la conquête spatiale mais aussi leur époque.

UNE PEINTURE MINUTIEUSE DE LA SOCIÉTÉ DES ANNÉES 1960

Ce n’est sans doute pas un hasard si le créateur de la série, Olivier Dujols, a fait ses armes sur le Bureau des légendes : la reconstitu­tion historique est minutieuse et précise. Elle permet aussi d’évoquer entre les lignes le bouleverse­ment de la société française. Car la série a beau avoir les yeux rivés vers le ciel, les showrunner­s nous ramènent souvent sur Terre et rappellent que, pendant que les États se livrent une guerre technologi­que sans merci, les femmes doivent encore avoir la signature de leur mari pour faire un retrait à la banque, et ne peuvent toujours pas avorter. Totems est au fond autant une page d’histoire qui permet de reconfigur­er les sixties qu’une pure série d’espionnage influencée par les classiques d’Hitchcock.

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