StreSS et immunité : deS liaiSonS dangereuSeS
Le stress est le lot quotidien de millions de Français. Peut-il affaiblir les défenses de l’organisme et rendre malade ? Des récentes découvertes scientifiques vont en ce sens.
Bien sûr, le stress n’est pas qu’un ennemi puisqu’il est un moteur essentiel à l’action. Mais s’il nous envahit de façon exagérée et s’installe de manière chronique, il peut devenir extrêmement négatif. Par exemple le stress au travail, quotidien et répété, qui peut déclencher un burnout voire un suicide, une rupture mal vécue ou un deuil impossible qui conduit à la dépression. Ces situations entraînent la fabrication excessive d’hormones du stress qui créent une inflammation délétère dans le cerveau et particulièrement dans les neurones. Plusieurs études ont récemment démontré que les neurones sont également présents en très grand nombre – plus de 200 millions – dans l’intestin. Or, celui-ci se trouve être également notre réservoir de cellules immunitaires. « Ces deux familles de cellules communiquent-elles entre elles ? Instinctivement, nous serions tentés de répondre par l’affirmative. Car nous l’observons tous : nos humeurs et notre stress affectent nos défenses immunitaires et nous tombons plus facilement malade lors de périodes de stress intense », analyse Jean-Philippe Herbeuval, immunologiste, directeur de recherche au CNRS. Les neurones communiquent entre eux grâce à des molécules appelées neurotransmetteurs, dont les stars sont la sérotonine et la dopamine. Sécrétées par les neurones, elles permettent un dialogue avec les cellules du système immunitaire. « Quand elles sont produites en trop grandes quantités, sous l’effet du stress, elles empêchent en particulier l’action des interférons, véritables gardiens de notre immunité. Un stress persistant pourrait donc dérégler le système immunitaire et nous rendre plus sensibles aux infections virales, souligne Jean-Philippe Herbeuval, et une dépression, consécutive à un stress chronique, pourrait être provoquée par un affaiblissement du système immunitaire, même si ce n’est pas encore complètement démontré. »
Apprendre à moins ruminer
Jusqu’où peuvent aller ces liaisons dangereuses entre stress et immunité ? Jusqu’au développement de cancers ? Pendant longtemps, on a repoussé cette idée, faute d’études convaincantes. Et pourtant, de nombreux patients rattachent leur cancer à un stress compliqué à surmonter : deuil, séparation, chômage… « Les preuves sont difficiles à obtenir car il faudrait réaliser une étude en comparant deux groupes de personnes : celles chez qui on provoquerait un stress intense et un groupe témoin. Ce n’est pas éthique », explique le Pr David Khayat, cancérologue, ancien président de l’Inca et auteur d’un livre sur ce sujet (1). Néanmoins, une étude israélienne a dévoilé un lien entre les rescapés de l’Holocauste et un risque de cancer accru de 21 à 27 %. Une étude finlandaise, portant sur 18 000 femmes suivies pendant vingtdeux ans, a montré que leur risque de cancer du sein était augmenté de 35 % en cas de divorce ou de deuil. « Un excès d’hormones du stress bloque l’action des lymphocytes T, très impliqués dans la lutte contre le développement des cellules cancéreuses », ajoute le Pr Khayat. Personne n’est à l’abri des coups du sort. Mais il faut arriver à les surmonter. « Tous les mécanismes qui vont auto-entretenir le stress comme les idées fixes sur nos soucis et les ruminations, qui serrent l’estomac et empêchent de dormir, doivent être évités. Apprendre à moins ruminer, c’est bon pour l’immunité et c’est bon pour la santé en général », observe le psychiatre David Gourion, qui dans son livre Anti stress (2) propose quantité de conseils astucieux pour gérer son stress et cite, en exergue, cette phrase d’Albert Camus : « Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été. » À méditer… ■