Microbiote et iMMunité : un duo de choc
Le pouvoir du microbiote sur le système immunitaire est désormais bien connu. Et l’idée d’agir sur nos bactéries intestinales pour stimuler nos défenses est, en théorie, très séduisante.
L’intestin est souvent considéré comme un organe dédié au transit des aliments. Grossière erreur ! Il contient 10 000 milliards de bactéries qui forment le microbiote, appelé autrefois flore intestinale. Sans oublier les microbiotes qu’on trouve sur la peau, les voies respiratoires, la bouche, les parties génitales… Ces écosystèmes, composés de milliers d’espèces de bactéries différentes, mais aussi de virus et de champignons, vivent en bonne intelligence avec notre organisme. Et interagissent avec notre système de défense, principalement le microbiote intestinal. « Il est un acteur majeur de notre immunité. Des expériences sur les souris montrent que celles qui sont dépourvues de microbiote ont un système immunitaire atrophié qui ne permet pas de répondre à des agressions, comme des infections ou des maladies virales », souligne le Pr Harry Sokol, gastro-entérologue à l’hôpital Saint-Antoine, chercheur à l’Inserm et l’Inrae. « Les interactions entre nos bactéries et notre immunité sont permanentes, c’est un dialogue dynamique constant qui commence dès la naissance, et même peut-être in utero », poursuit Nadine Cerf-Bensussan, directrice de recherche et coordinateur du programme transversal sur le microbiote de l’Inserm.
Un marché de deUx milliards de dollars
Le bébé constitue son microbiote au moment de l’accouchement : en passant par les voies naturelles, il reçoit les bactéries de la flore digestive et vaginale de sa maman. « En naissant par césarienne ou en prenant des antibiotiques dans les premiers mois, le microbiote est altéré : cela peut modifier les interactions avec le système immunitaire et augmenter le risque de développer, plus tard dans la vie, des maladies liées à l’immunité : allergies, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, arthrite… » explique le Pr Sokol. Le microbiote est considéré comme mature vers l’âge de 5 ans. Mais après, la vigilance ne doit pas baisser, loin de là. De nombreuses études montrent qu’une alimentation équilibrée, à tendance méditerranéenne, est positive pour le microbiote. « Quand on mange peu de fibres végétales, autrement dit de fruits et légumes, le microbiote induit une réponse immunitaire moins optimale face à une infection. C’est particulièrement vrai de la grippe. Des études le suggèrent aussi pour l’infection à la Covid-19 », précise le Pr Sokol. Une alimentation à tendance industrielle, ultratransformée, riche en graisses, sucres et additifs de toute sorte, appauvrit le microbiote. « Elle modifie sa composition en réduisant sa diversité, en induisant la perte de bactéries aux effets positifs pour l’immunité et l’apparition de bactéries pro-inflammatoires, favorisant la survenue de maladies chroniques inflammatoires », précise Nadine Cerf-Bensussan. L’idée d’améliorer la qualité de son microbiote n’est pas récente. C’est ainsi que sont apparus, sur le marché des compléments alimentaires, les probiotiques – bactéries supposées être bénéfiques pour la santé – et les prébiotiques – fibres alimentaires supposées nourrir les bonnes bactéries. Avec un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de dollars aux États-Unis et 222 millions d’euros pour la France en 2019, selon le cabinet d’études spécialisé Expansion Consulteam. « Il y a un engouement pour ces produits, notamment avec l’idée de prévenir les infections hivernales. Mais il n’y a pas d’études scientifiques qui démontrent leur efficacité, mis à part deux probiotiques qui permettent une réduction des diarrhées lorsqu’on prend des antibiotiques », avertit le Pr Sokol. La greffe fécale est un nouveau concept prometteur pour enrichir le microbiote, prévenir ou traiter des maladies. Une thérapie encore expérimentale et complexe. En attendant, il faut surtout miser sur l’alimentation, et éviter les toxiques (tabac, alcool, drogues) pour chouchouter son microbiote et stimuler ainsi son système immunitaire.