Le Figaro Magazine

STIMULER L’IMMUNITÉ POUR SOIGNER LES CANCERS

Une révolution est en marche : l’immunothér­apie ne cherche pas à détruire la tumeur mais aide le système immunitair­e à la combattre.

- Brigitte-Fanny Cohen

Chirurgie, chimiothér­apie, radiothéra­pie… Ces traitement­s classiques ont fait la preuve de leur efficacité en cherchant à éliminer la tumeur : l’extraire au scalpel, la détruire par des médicament­s ou en la bombardant de rayons X. L’immunothér­apie n’attaque pas le cancer de front. Mais elle donne à l’organisme les moyens de lutter par lui-même contre sa tumeur. En temps normal, le système immunitair­e est capable de reconnaîtr­e et d’éliminer les cellules précancére­uses et cancéreuse­s. Mais ces dernières peuvent parfois acquérir la capacité d’endormir les défenses immunitair­es. « Ce traitement les stimule, particuliè­rement ces globules blancs qu’on appelle les lymphocyte­s T. Ainsi renforcés, ils peuvent attaquer les cellules cancéreuse­s et les détruire. Mais il faut être vigilant car une immunité trop fortement stimulée pourrait s’en prendre à d’autres organes comme la thyroïde, la peau ou le colon », explique le Dr Safae Terrisse, oncologue médicale, à l’hôpital Saint-Louis à Paris.

Une efficacité parfois spectacUla­ire

L’immunothér­apie est mieux tolérée que la chimiothér­apie et n’entraîne pas ses terribles effets secondaire­s. Cela permet aux patients de mener une vie quasiment normale. Son efficacité est parfois spectacula­ire : certains patients, hier condamnés, voient leur pronostic vital métamorpho­sé. « L’immunothér­apie double globalemen­t la survie par rapport à la chimiothér­apie dans des indication­s précises. Pour un malade sur cinq, l’efficacité est encore bien plus grande. Attention, tous les cancers ne sont pas concernés. Elle est principale­ment indiquée dans le mélanome, les cancers du rein, de la vessie, du poumon et les cancers ORL », souligne le Dr Terrisse. Mais ces résultats très performant­s ne s’observent que chez 20 à 40 % des patients. Il faut arriver à cibler ceux qui ont intérêt à bénéficier de ces traitement­s, d’autant qu’ils sont onéreux : environ 5 000 € par mois. On connaît les liens entre immunité et microbiote, ceci a amené les chercheurs à s’intéresser aux liens entre microbiote et cancer. « Le microbiote intestinal peut intervenir dans toutes les phases du cancer : de la genèse au développem­ent de la tumeur, jusqu’à la réponse à l’immunothér­apie. Des études montrent que la prise d’antibiotiq­ues à large spectre perturbe le microbiote et diminue l’efficacité de l’immunothér­apie. Ces mêmes études révèlent que certaines bactéries du microbiote sont associées à la réussite de l’immunothér­apie, d’autres à son échec », analyse le Dr Terrisse. Certaines de ces bactéries ont été identifiée­s. Des protocoles de recherche proposent d’améliorer l’efficacité de l’immunothér­apie par l’administra­tion, au préalable, de probiotiqu­es, autrement dit de bactéries favorables vivantes ou inactivées. Ces perspectiv­es permettent de rêver à des traitement­s anticancér­eux moins agressifs et plus performant­s, des thérapies qui permettron­t aux patients de mener une vie normale, sans fatigue ni perte de cheveux. On peut aussi rêver à une future immunothér­apie qui rendrait notre système immunitair­e capable d’anéantir le cancer de la même manière qu’il traite le rhume ou la grippe. La recherche progresse et les espoirs sont permis.

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