Jeanne au bûcher
Selon l’historienne Claude Gauvard, les chefs d’accusation fabriqués contre Jeanne d’Arc lors de son procès en disent plus sur son époque que sur elle.
Encore Jeanne d’arc ! La présente chronique, depuis 2019, a rendu compte de cinq livres qui lui ont été consacrés rien que par des universitaires et des chercheurs patentés. en voici un nouveau, preuve de l’intérêt ininterrompu pour le personnage. Chez Gallimard, dans la collection « L’esprit de la cité » qui comportait déjà une série intitulée « Des hommes qui ont fait la France », ce volume signé par l’historienne Claude Gauvard, professeur émérite d’histoire médiévale à l’université Paris i Panthéonsorbonne, inaugure une nouvelle série, « Des femmes qui ont fait la France ». L’ouvrage n’est pas une biographie de la Pucelle d’orléans, même les grandes étapes de sa vie, du printemps 1428 au printemps 1431, y sont rapidement évoquées : les démarches de Jeanne auprès de robert de baudricourt, son départ de Vaucouleurs pour Chinon, son entrevue avec le dauphin qui lui confie quelques troupes, la délivrance d’orléans, la chevauchée vers reims où le dauphin, enfin sacré, devient le roi Charles Vii, l’échec devant Paris, la capture de la jeune guerrière à Compiègne, son emprisonnement, son procès et sa mort sur le bûcher à rouen.
Le livre de Claude Gauvard s’ouvre sur le supplice de Jeanne en insistant sur le symbole qui s’y attache : alors qu’au XVe siècle, les condamnés à mort pouvaient être pendus, décapités ou enfouis (enterrés vivants, châtiment réservé aux femmes), le feu était réservé, explique l’auteur, « aux sodomites, aux sorciers et aux sorcières, à plus forte raison aux hérétiques ». C’est parce qu’elle a été accusée de sorcellerie et d’hérésie que Jeanne d’arc a subi cette exécution visant à effacer « toute trace corporelle du criminel ». C’est sous cet angle que l’auteur déroule sa réflexion sur une « héroïne diffamée et martyre », en montrant que le tribunal d’inquisition qui a jugé Jeanne a dû fabriquer des chefs d’accusation infamants (alliance avec le diable, échanges avec le démon, signes de sorcellerie) pour parvenir à déshonorer la jeune fille afin qu’elle devienne indéfendable, même par le roi qu’elle avait aidé. Claude Gauvard rappelle que « l’opinion s’empara rapidement de la Pucelle, en lui vouant un attachement profond ». C’est le peuple, en définitive, qui sauva la réputation de Jeanne d’arc, anticipant la révision de son procès.
Jeanne d’Arc. Héroïne diffamée et martyre, de claude Gauvard,
Gallimard, 188 p., 18 €.