LE SALAUD ET LE PACIFISTE
★★★ Une ascension, de Stefan Hertmans, Gallimard. 475 p., 23 €. Traduit du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin.
Au tout début du millénaire, dans un livre récemment écrit par un de ses professeurs d’université, l’écrivain stefan Hertmans apprend que la maison qu’il est train de vendre, au coeur historique de Gand, sa ville natale, fut celle d’un collaborateur honni. tout lui revient, et d’abord sa première visite, en 1979, alors que le notaire le guidait depuis les caves nauséabondes jusqu’au grenier maculé de fientes, avec un embarras non dissimulé. et pour cause, son propre père avait été l’avocat chargé de défendre l’encombrant locataire des lieux. Qui était au juste Willem Verhulst, condamné à mort à la Libération ?
Les frustrations personnelles peuvent-elles expliquer qu’il soit devenu un fonctionnaire actif du nazisme à Gand ?
Nul besoin de connaître en détail les soubresauts de la belgique, empoisonnée depuis le XiXe siècle par les querelles entre Wallons et Flamands pour se laisser emporter dans les ramifications tantôt cocasses, tantôt poignantes de l’enquête minutieuse à laquelle s’est livré l’auteur du Coeur converti. Verhulst, salaud fier de l’être, avait une famille : trois enfants et une femme, d’une dignité aussi grande que l’était son indignité à lui. Les tourments de la douce Mientje, pacifiste convaincue, éclairent cette histoire bien sombre d’une question essentielle : l’amour peut-il tout excuser ? L’amour exige-t-il le pardon ? De ruses en révélations, Hertmans tient son lecteur en haleine jusqu’au vertige final. Celui du hasard, lequel réserve ses trésors à qui sait les penser.