TEL ÉTAIT STEPHEN HECQUET
Stephen Hecquet, Vie Et Trépas D’un Maudit, De Frédéric Casotti, Séguier, 203 P., 19 €.
Nimier ne s’est jamais remis de la mort de Stephen Hecquet », écrit Jacques Chardonne à Paul Morand (qui, lui, ne s’est jamais remis de la mort de Nimier) dans le troisième et ultime tome de leur correspondance. Qui se souvient de Stephen Hecquet ? Il a écrit une douzaine de livres oubliés et introuvables. Les fanatiques des « Hussards » sont désormais les seuls à connaître son nom. Frédéric Casotti retrace la vie de cet avocat brillant, ami de Nimier qui lui donnait des conseils en écriture, tandis que Hecquet lui expliquait le droit. Après avoir vu Vincent Auriol (« Il est occitan et socialiste, soit deux certificats de rouerie faussement débonnaire et de bonhomie madrée »), Hecquet a sauvé la vie de son client Joseph Damiani, qui deviendra écrivain grâce aux encouragements de son avocat : sous le nom de José Giovanni, son premier manuscrit, Le Trou, sera publié chez Gallimard avec l’aide de Nimier. Hecquet et Nimier, pourtant très différents, restaient inséparables. L’auteur des Enfants tristes était coureur de jupons, son ami avocat, un homosexuel à la misogynie provocatrice : il a écrit à la Table Ronde un pamphlet intitulé en toute simplicité
Faut-il réduire les femmes en esclavage ? « Tout ce qui a été dit de sensé sur les femmes l’a été par des femmes, des eunuques ou des invertis, car les autres sont juges et parties », a-t-il écrit. Nimier lui a fait rencontrer Morand, Chardonne et Céline. Hecquet était aux anges. Il se savait condamné par une malformation cardiaque et est mort en 1960 à l’âge de 40 ans. Nimier ne s’en est effectivement jamais remis. Ce livre lui aurait fait plaisir.