LELIÈVRE ET HARDY
Marie-Dominique Lelièvre enquête sur Françoise Hardy avec la subjectivité qui lui a déjà réussi sur Bardot, Chanel, Gainsbourg et Sagan.
La méthode biographique de Marie-Dominique Lelièvre consiste à visiter une vie comme on visite une maison. son livre sur Françoise Hardy commence d’ailleurs par une incursion au domicile de la star, rue Hallé : « Cette existence en chambre serre le coeur. » Lelièvre sait admirer sans se prosterner, partager sa fascination sans perdre sa liberté : comme truman Capote, elle emploie les artifices du roman pour raconter une histoire non fictive. Par petites touches, elle brosse un portrait mélancolique de « la chanteuse préférée des Français », mais aussi, à l’arrière-plan, un tableau de la France des années 1960 à nos jours. Nous recommandons de lire ce livre en écoutant Tu ressembles à tous ceux qui ont eu du chagrin (notre chanson préférée de Hardy).
Mme Lelièvre n’a pas peur d’exprimer ce qui l’émeut : la timidité et la solitude. « Quelque chose en elle tient à distance. » C’est aussi ce qui a frappé Jean-Marie Périer lorsqu’il a vu Hardy pour la première fois dans sa chambre de la rue d’aumale. « L’apparition merveilleuse d’une fille n’ayant aucune conscience de sa grâce. » À 18 ans, elle venait d’écrire Tous les garçons et les filles de mon âge. sa beauté qui s’ignore, ses mélodies folks inspirées des everly brothers, sa désinvolture humble et son écriture lucide ont révolutionné la musique pop. Les rolling stones ont composé As Tears Go By en imitant son style. aujourd’hui encore, on entend souvent du Françoise Hardy dans les films américains (par exemple, Le Temps de l’amour est dans Moonrise Kingdom de Wes anderson) ; comme si, à elle seule, elle symbolisait le chic français, une certaine tristesse élégante, unique au monde. Marie-Dominique Lelièvre procède par cercles concentriques comme un oiseau qui fond sur sa proie. Chaque chapitre est comme une petite nouvelle, avec une ambiance différente : il y a le Petit Conservatoire de Mireille, les premiers tubes, sa grand-mère méchante, l’astrologie, les célèbres robes de Courrèges et Paco rabanne, le tournage de Grand Prix de John Frankenheimer, les rencontres avec Peter Mcenery, bob Dylan, Patrick Modiano, Mick Jagger, et Jacques Dutronc bien sûr. Je n’ai pas une passion pour les biographies de chanteurs mais la forme impressionniste de Lelièvre donne un charme particulier à son livre. On a le sentiment de visiter une galerie d’aquarelles. et puis, parfois, on passe devant un miroir et l’on reconnaît l’auteur : en parlant du « spleen éthéré » de Françoise Hardy, MarieDominique Lelièvre dit beaucoup du sien.
FraNçoisE Hardy. ÉToilE disTaNTE, de Marie-Dominique Lelièvre, Flammarion, 264 p., 21,50 €.