FIXER SON LOYER EN TOUTE LÉGALITÉ
Encadrement, plafonnement : les bailleurs ne sont pas toujours libres de fixer les loyers des biens qu’ils mettent en location. Explications.
Les règles diffèrent selon qu’il s’agisse de la première location d’un logement ou d’une relocation suite au départ du locataire précédent.
PREMIÈRE LOCATION Des loyers plafonnés dans 22 communes
Pour trouver rapidement un locataire solvable et fidèle, mieux vaut fixer un prix en phase avec le marché locatif local. Mais il arrive que la loi de l’offre et de la demande ne soit pas l’unique facteur à prendre en compte. Dans certaines grandes villes (parmi lesquelles Paris et quelques banlieues proches, Lille, Lyon, Villeurbanne et, courant 2022, Bordeaux et Montpellier), le loyer d’un logement utilisé comme résidence principale ne peut pas excéder un montant plafond. Fixé par un arrêté préfectoral, il dépend du quartier, de la date de construction de l’immeuble, du nombre de pièces et, enfin, du type de location (meublée ou nue). Les maxima sont révisés annuellement et disponibles en ligne – par exemple sur le site de la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl) pour les communes franciliennes concernées par le plafonnement. Expérimental, ce dispositif devait s’appliquer jusqu’au 23 novembre 2023 mais il pourrait perdurer quelques années. « Une disposition du projet de loi dit 3DS, en cours de vote, prévoit de proroger le plafonnement de 3 années supplémentaires, jusqu’en 2026. Un rapport établira alors s’il s’est avéré efficace ou pas », explique Béatrice Pedroletti, auteur chez LexisNexis et maître de conférences à Aix-Marseille Université.
Mis en place depuis 2018, le plafonnement n’est, aujourd’hui encore, pas toujours respecté. « En 2021, dans notre premier baromètre annuel du respect de l’encadrement à Paris, 35 % des 15 000 annonces étudiées n’étaient pas conformes, regrette Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre. Les quartiers situés à l’ouest et au centre de Paris concentrent les taux de non-conformité les plus élevés, jusqu’à 45 et 46 % respectivement pour les 4e et 16e arrondissements. La surface joue aussi : on constate que 47 % des logements de moins de 30 m² sont hors des clous. » Le taux de conformité augmente en même temps que la surface. « Pour les grands appartements, le loyer plafond correspond généralement au marché », explique Diane Suissa-Hayot, présidente de l’agence Orpaze Conseil Immobilier.
Il existe deux échappatoires au plafonnement des loyers. La première consiste à appliquer un complément de loyer – en réalité, un déplafonnement – dès lors que le logement « présente des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ». Vague, voire ambiguë, cette formulation figurant à l’article 140 de la loi Élan de novembre 2018 est à l’origine de quelques contentieux. Ainsi, à Paris, la Commission départementale de conciliation (CDC) a considéré qu’un balcon avec une vue – lointaine – sur la tour Eiffel, un parquet ancien et une cheminée, un ascenseur (déjà compris dans les charges payées par le locataire !), un grand placard de 12 m² ou encore la proximité du métro ne pouvaient légitimer un complément de loyer. A
contrario, une maison avec jardin (à Paris), une terrasse avec une vue dégagée sur un monument ou encore un appartement décoré par un architecte de renom peuvent justifier un déplafonnement. « Mais un logement simplement refait à neuf n’est pas justifié : le bailleur a l’obligation d’entretenir son bien », rappelle David Rodrigues, juriste à l’association CLCV. Une alternative est la signature d’un bail dit code civil qui n’obéit pas à la loi de 1989 et qui permet de fixer librement la durée, la répartition des charges et… le loyer. Il peut s’agir d’un bail pour un logement de fonction signé avec une entreprise souhaitant loger ses cadres. « Ce sont des baux réservés aux appartements de standing et, depuis la crise sanitaire, peu sont signés », témoigne Diane Suissa-Hayot. En revanche, le télétravail a favorisé la signature de baux de résidences secondaires qui échappent également aux règles en vigueur pour les résidences principales. « Ils s’adressent aux Français et étrangers qui sont sur Paris seulement quelques jours par semaine », observe Stanislas Coûteaux, fondateur de Book a Flat, agence spécialisée dans la gestion locative haut de gamme.
RELOCATION Hausse limitée du nouveau loyer dans 1 000 communes
Dans les 1 149 communes considérées comme « tendues » et listées dans un décret de 2013, la fixation du loyer est libre lors de la première mise en location du bien ou lorsqu’il n’a pas été loué pendant 18 mois, mais pas lors d’une relocation. Dans ce cas, il est interdit de réclamer un loyer supérieur à celui du précédent locataire. Comme pour le plafonnement, le législateur a cependant prévu des dérogations. C’est le cas si le loyer du locataire sortant n’a pas été révisé depuis plus d’un an (il est possible, contractuellement, de le faire tous les ans, dans les limites de l’évolution de l’indice de référence des loyers). Il est alors possible d’appliquer la hausse de l’indice au locataire entrant. Si le loyer est manifestement sous-évalué par rapport aux tarifs pratiqués dans le voisinage, il peut aussi être revalorisé (art. 17-2 de la loi du 6 juillet 1989). Enfin, lorsque dans les 6 mois précédant la signature du nouveau bail, des travaux d’amélioration ont été réalisés dans le logement ou les parties communes de l’immeuble, une hausse de loyer représentant au maximum 15 % du coût hors taxes des travaux est autorisée. Pour des travaux de grande ampleur (au moins un an de loyer), le nouveau loyer peut être librement fixé, sous réserve de respecter, le cas échéant, le plafonnement en vigueur. Attention : ces augmentations ne sont possibles que pour les logements peu énergivores, dont la classe énergétique est comprise entre A et E (F et G sont exclues). ■