Le Figaro Magazine

EN DOUCEUR, PIERRE OTEIZA PASSE LA MAIN À SON FILS FRANTXOA

- É. L. C.

Dans la vallée des Aldudes, ce coin pittoresqu­e du Pays basque situé non loin de Saint-Jean-Piedde-Port et Biarritz, où l’on pratique encore l’écobuage, la transmissi­on d’une exploitati­on agricole est une question sensible. Elle se prépare à l’avance et en douceur. Ici comme ailleurs, la relation à la terre est chargée d’émotions et de souvenirs marquant plusieurs génération­s. À 67 ans, Pierre Oteiza, éleveur de 400 porcs basques Kintoa en plein air, est confronté à cette étape particuliè­re de la vie d’un paysan.

« Créer, c’est facile. Transmettr­e ce qu’on a construit, c’est nettement plus délicat. Il faut que cela colle avec les enfants. Une fois que cela est fait, c’est magnifique pour tout le monde », dit-il. Aujourd’hui âgé de 26 ans, son fils Frantxoa (François en basque) prend peu à peu la suite de son père. Comme beaucoup d’enfants d’agriculteu­rs, il est allé faire ses classes loin des racines familiales, d’abord en passant un diplôme d’ingénieur de production agricole à Bordeaux, puis au Canada dans un site du groupe Rougié, une référence du foie gras du Sud-Ouest présente dans le monde entier. Ses deux soeurs nées à la ferme habitent dans la vallée et donnent un coup de main en cas de besoin. L’une est infirmière comme sa mère, l’autre fabrique du fromage de brebis que l’on retrouve dans les rayons des 11 boutiques de la maison Oteiza, dont deux à Paris et une sur internet. Au total, le groupe familial emploie 70 personnes pour un chiffre d’affaires de 9 millions d’euros, dont 20 % à l’export dans 24 pays parmi lesquels le Japon, le Canada et l’Australie, sans oublier la Chine. Que de chemin parcouru par ce sexagénair­e depuis la reprise à 20 ans de l’exploitati­on familiale d’une quinzaine d’hectares. « Il y avait 120 brebis, 6 vaches blondes d’Aquitaine, 24 poules, 10 lapins et aussi 10 porcs blancs », se souvient-il.

Une taille trop modeste pour nourrir une famille de cinq personnes. En 1987, Pierre et sa femme, Catherine, décident donc de monter leur entreprise pour commercial­iser eux-mêmes leur production agricole. Deux ans plus tard, une rencontre fortuite au Salon de l’agricultur­e à Paris va changer le cours de la ferme des Aldudes.

« Claude Texier, en charge de l’Institut technique du porc, m’a fait découvrir une race que je ne connaissai­s pas, un comble pour un éleveur du pays : le porc basque Kintoa rose et noir. Après le salon, je suis allé récupérer tous les 17 porcelets encore répertorié­s dans les fermes à droite et à gauche ainsi que trois adultes. L’année suivante, je venais pour la première fois en tant qu’agriculteu­r exposant de porcs basques dans la capitale. »

Il est devenu depuis une figure emblématiq­ue et incontourn­able du Salon de l’agricultur­e, mettant en avant ses spécialité­s : jambons, saucisses, saucissons, chorizos. Et la relève est assurée !

« Quand on a la chance d’aimer ce que l’on fait et pouvoir le transmettr­e, c’est un vrai bonheur », dit-il, ajoutant :

« La maison, etchea en basque, doit toujours être ouverte. »

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