Le Figaro Magazine

DANS LE NORD, LUC VERMEULEN PREND LE VIRAGE DU BIO

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Ala ferme des Sittelles, à Élincourt, dans le Nord, où les maisons en briques rouges sont caractéris­tiques de cette région, le virage bio a été pris il y a plus de sept ans. Deux raisons ont motivé son chef d’exploitati­on, Luc Vermeulen, 56 ans, à changer de cap dans cet environnem­ent de plaines où les grandes parcelles cultivées selon un schéma traditionn­el, avec le recours aux traitement­s chimiques, sont nombreuses. D’abord le retour du fils Benjamin dans l’exploitati­on familiale. Âgé alors de 25 ans, il a emmagasiné de nombreuses connaissan­ces universita­ires, en biologie notamment, ainsi qu’un savoir-faire profession­nel. Et il possède une certaine vision de l’existence propre aux jeunes de son âge : vivre en harmonie avec son environnem­ent. Aussi lorsqu’en 2013, un agriculteu­r voisin de la coopérativ­e d’utilisatio­n de matériel agricole (Cuma) à laquelle adhère son père lui propose de reprendre les 60 hectares qu’il exploite, il accepte sans hésiter. Son rêve de gamin peut se réaliser : devenir paysan. Le père et le fils s’associent, d’autant que leur système de production est complément­aire.

« Je cultivais des betteraves, du lin et des céréales en convention­nel, c’est-à-dire en utilisant des produits phytosanit­aires,

explique Luc Vermeulen.

La ferme reprise par Benjamin fonctionna­it sur le même schéma et la même superficie. »

Tout va au mieux. Jusqu’au jour où Luc Vermeulen confie à son fils le suivi des molécules chimiques pour les traitement­s des cultures.

« Je ne vois pas le métier comme cela », dit le fils. Car l’évocation des traitement­s fait ressurgir des souvenirs familiaux douloureux. « Mon père est mort à 73 ans d’un cancer du sang. Ma mère, quatre ans plus tard, à l’âge de 74 ans, raconte Luc Vermeulen. Selon les médecins, les agriculteu­rs utilisant des phytosanit­aires ont 25 % de risques en plus de développer un cancer. »

C’est cette raison, la plus importante, qui pousse les deux associés à sortir du modèle chimique traditionn­el. D’autant que le marché des légumes bio est alors en pleine croissance.

« Nous avons démarré notre conversion en bio en 2014 avec 50 ares de betteraves rouges, dit Luc Vermeulen.

En quatre ans, nous avons converti l’ensemble des 120 hectares en bio où nous produisons des carottes, panais, oignons, haricots verts, courges, betteraves rouges et pommes de terre. »

Ce virage bio n’aurait pu se faire sans les Cuma, ces structures locales qui permettent aux agriculteu­rs d’acheter en commun du matériel innovant très coûteux. « Dans notre Cuma, nous avons investi 160 000 euros dans deux bineuses autoguidée­s pour désherber les carottes bio,

souligne Luc Vermeulen.

Et on a monté un centre de conditionn­ement de légumes bio avec une autre Cuma : un investisse­ment de 3,5 millions d’euros »,

poursuit celui qui est président de la Fédération nationale des Cuma, organisati­on regroupant 11 740 entités de ce type et 202 000 adhérents. Aujourd’hui, le marché du bio s’est retourné, il y a moins de demande et plus d’offre. Le frigo où sont stockés les panais est rempli aux trois quarts en fin d’hiver alors qu’il devrait être vide… C’est un nouveau virage à négocier pour la famille.

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